samedi 31 octobre 2009

Recherche (le) peuple désespérément, entretien avec les auteurs

Pourquoi ce livre aujourd’hui?

« Recherche le peuple désespérément » vient baliser une première étape de notre engagement politique. Nous avons découvert la politique auprès d’hommes talentueux qui plaçaient toujours le débat d’idées au cœur de leur combat. C’est un sain principe. Et puis maintenant, nous volons de nos propres ailes, en électrons libres au sein d’un Parti Socialiste qui a besoin de revenir à quelques solides repères républicains, à l’idéal socialiste et à une analyse de la société la plus cohérente qui puisse être. Raison de plus pour mener un combat culturel en interne, les militants sont, pour l’heure, plus touchés par nos idées que les dirigeants. C’est un bon début !

Le principal objectif de notre livre est de traduire en termes politiques une somme impressionnante d’études sociologiques, géographiques, démographiques qui permettent de mieux comprendre notre société. Au confluent des discours savants et militants, notre livre donne quelques clés stratégiques.

Vous êtes très critiques vis-à-vis de la gauche politique? Qui aime bien châtie bien? Qu’espérez-vous ?

Nous espérons faire comprendre à la gauche qu’elle ne pourra battre Sarkozy qu’en se dotant d’une vision de la sociologie de notre pays autant qu’en développant un projet alternatif. Il y a chez Sarkozy et ses conseillers une véritable connaissance de la société française mise au service d’une droite radicalisée, presque berlusconnisée. A nous de retrouver un électorat qui nous a fait défaut depuis vingt-cinq ans : les couches populaires. Elles n’ont pas disparu et ce sont elles qui ont fait la décision politique en 2005 comme en 2007 !

Vous remettez au centre du débat, les travaux de nombreux intellectuels lumineux mais méconnus du grand public et des dirigeants politiques. Vous relancez l’idée d’un lien dialectique entre la pensée et l’action. C’est un ressourcement ?

Certains sont bien connus mais marginalisés par les élites : pensons au talentueux Emmanuel Todd. D’autres, dans l’ombre, poursuivent un travail intellectuel de première importance, on doit citer ici Christophe Guilluy et les nouvelles fractures sociales et territoriales ou encore Nicolas Renahy, un chercheur en sociologie qui travaille sur la jeunesse ouvrière et rurale. Il y a, parmi les chercheurs français, quantité de femmes et d’hommes dont les écrits ne semblent pas intéresser les responsables politiques… Il faut retisser des liens entre ceux qui contribuent à l’intelligence de la société et ceux qui s’attachent à imaginer une alternative politique.

Parlons aussi de chercheurs en science politique étasuniens comme Thomas Franck dont les travaux sont essentiels. A fortiori, remarquons qu’aux Etats-Unis, il existe des « professionnels de la politique », comme Joe Trippi, qui s’efforcent de penser la société américaine et les méthodes pour bâtir des alliances électorales durables.

N’oublions pas non plus que les chiffres les plus alarmants sur l’état de la société française se lisent très facilement dans les publications de l’INSEE. Au-delà des titres, censés rassurer les ministres, le contenu de leurs études est édifiant !
Votre étude de ce que l’on pourrait appeler une nouvelle géosociologie des territoires est lumineuse notamment sur l’implantation des couches populaires (ouvriers, employés) dans notre pays. Vous appelez la gauche à s’intéresser aux couches populaires des zones périurbaines et rurales largement oublié par la gauche politique. Pouvez-vous en dire plus?

Cette France invisible, celles des périphéries (périurbaines et rurales) est tout simplement la France majoritaire ! Pour nous, il s’agit d’inviter la gauche française, dans sa diversité, à s’intéresser à cette France là, à la comprendre, à lui parler. C’est un travail d’autant plus difficile que, dans certains milieux de gauche, le peuple est déprécié, considéré assez négativement. La percée du FN chez les ouvriers, le vote « Non » en mai 2005 ou même le vote pour Nicolas Sarkozy de la « France qui se lève tôt » ne sont analysés que sous un angle moral, pour ne pas dire moralisateur.

Il s’agit, selon nous, de bâtir, une coalition sociale majoritaire avec des classes sociales qui, d’une part existent encore et, d’autre part, adhèrent encore aux principes et aux idéaux républicains. L’état de l’opinion publique après l’affaire de l’EPAD laisse entendre que notre peuple adhère très majoritairement à un idéal d’égalité…

Vous appelez la gauche à tenir compte du vote du 29 mai 2005 où les couches populaires ont largement contribué à la victoire du non. N’est-ce pas être à contre-courant de l’histoire ?

Le 29 mai est un fait. C’est un fait électoral révélateur de nombreux faits sociaux. On peut interpréter le vote du 29 mai de nombreuses façons. Nous retenons, pour notre part, une interprétations sociale et spatiale en lien avec la mondialisation. Nous y voyons, quoi que l’on pense par ailleurs de l’actuel traité de Lisbonne, la manifestation d’un « principe de précaution démocratique » qui a sanctionné la politique du choix unique des élites et la manipulation des symboles démocratiques. Oui, la Gauche doit appréhender les craintes des classes populaires. Oui, elle doit s’adresser à cette France du « non » qui n’est pas une France nationaliste, xénophobe ou repliée mais une France qui souffre et qui appelle ses dirigeants à remettre en avant des principes et des idéaux républicains.

Vous estimez nécessaire que la gauche fasse une critique radicale du libre-échange largement véhiculé par la gauche française. Pensez-vous être entendus ?

C’est un débat, pour l’instant interdit par le conformisme ambiant, qu’il va falloir mener. Le PS devra bien choisir entre d’un côté Pascal Lamy et Dominique Strauss-Kahn, idiots utiles du néolibéralisme, et les analyses d’Emmanuel Todd ou Jacques Sapir de l’autre qui avancent des propositions sur le protectionnisme européen. Comment expliquer à l’électorat populaire qu’il est acceptable de contempler béat et les bras ballants la désindustrialisation de notre continent !

Vous semblez lier la possible victoire politique de la gauche au ressourcement du lien de la gauche avec les couches populaires. Alors que de nombreux dirigeants de la gauche se lamentent d’avoir perdu le soutien des couches populaires et appellent à une meilleure communication, vous dîtes que c’est à la gauche de changer de ligne stratégique. Vous leur demandez un travail de titan !

Les pleureuses sont les bienvenues dans les enterrements siciliens. Il est à souhaiter que la gauche française n’est soit pas encore là ! Rien n’est définitivement perdu pour la gauche, ni le peuple, ni les élections à venir. Il est pour autant certain que les couches populaires n’accepteront de faire à nouveau confiance à la gauche que si elle présente à la fois un nouveau visage et un autre programme que l’accompagnement social du néolibéralisme. Travail de Titan ? Pour qui a un peu de sens du bien commun et d’ambition pour son pays, il semble que ce ne soit pas une mission impossible.

Dans l’état actuel des choses, bien que vous soyez membres du PS, vous ne semblez ni être suivi par la direction du PS, ni par les dirigeants du Front de gauche et du NPA. Vous vous préparez à une longue marche ?

Yan’an est en vue ! Au moins avons-nous un cap et une stratégie ! C’est déjà beaucoup et, de plus, nous ne comptons que sur nos propres forces ! Si l’on est raisonnable, il convient de constater qu’il y a dans notre pays, au-delà des clans, des écuries présidentielles et des groupuscules, des ressorts intellectuels et moraux qui peuvent nous permettre de bâtir ce socle sociologique et majoritaire stable qui seul pourrait engager une politique de redressement républicain. A nous de nous rassembler pour ce faire.

Propos recueillis auprès des auteurs du livre Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin par Bernard Teper
http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/recherche-le-peuple-desesperement-entretien-avec-les-auteurs/1150

Le livre sur le PS qui va faire peur à Ségolène Royal, Manuel Valls et Benoît Hamon!, par Bruno Roger-Petit

Encore un livre qui va provoquer bien des remous au sein du PS. Et qui va heurter de plein fouet les tenants archéos-néos de la gauche morale. De quoi s'agit-il?

Le livre s'intitule « Recherche le peuple désespérément » et il entreprend l'examen sans concession du divorce de la gauche (surtout le PS) avec le peuple. Le constat de Brustier et Huelin est en effet accablant. Les classes populaires, ouvrières, précaires, la jeunesse, les exclus, les chômeurs, toutes ces couches qui devraient voter PS ne votent plus pour l'ancien parti de Jaurès, Blum et Mitterrand. Comment le pourraient-elles d'ailleurs, dans la mesure où les ouvriers représentent aujourd'hui 5% des adhérents du PS contre 10% en 1985?

L'intérêt du livre est de s'attaquer aux causes de ce divorce en délivrant une grille de lecture originale qui n'est pas sans rapport, du reste, avec l'identité française. Les auteurs se livrent donc à un examen tout simple: la géographie sociologique du pays. Ils démontrent brillamment comment la France s'est coupée en deux depuis trente ans. Il existerait une France urbaine, « boboïsée », cool, aisée, élitaire. Et au delà de ces centres urbains, à la périphérie, dans les banlieues, dans les campagnes, s'est développée une autre France, abandonnée, précarisée, exploitée, délaissée. Une autre France, méprisée, moquée, vilipendée. Une France d'en bas qui ne montera jamais, sans espoir, sans perspectives. Une France qui travaille plus pour gagner de moins en moins. Une France de vieux et de jeunes que le système laisse sur le bas côté, à commencer par le PS.

Exemple: les auteurs expliquent ainsi (entre autres) le phénomène du CNPT. La chasse, activité ludique est victime de tous les clichés du politiquement correct. Pour les prototypes comme le Hamon ou le Valls, coupés des vraies gens par 25 ans passés à hanter les officines du PS, le chasseur est un con rural, raciste et bas de plafond. Le vote chasseur est ainsi devenu le vote identitaire et réactif d'une bonne partie des oubliés ruraux de la gauche. Et les chasseurs ne sont pas les seuls à se replier sur des votes anti-PS, qui mènent au FN ou au sarkozysme.

Cela étant, les auteurs offrent au PS sur un plateau les clés politiques de la reconquête populaire, car cette France oubliée, méconnue, niée est aujourd'hui socialement majoritaire.

D'abord, ils déconseillent le recours à la simili gauche ultra, de Besancenot à Autain, les idiots utiles du sarkozysme, occupés à défendre dans les cafés branchés du centre de Paris des causes médiatiquement majoritaires mais populairement minoritaires.

Le PS doit aussi retrouver l'équation qui fit les grands succès de la gauche sous Mitterrand. Le PS doit renouer le fil qui permet d'identifier une majorité sociale et la muer en majorité politique. Au début des années 80, le PS avait théorisé cet objectif autour de la notion de Front de classe. Aujourd'hui, les auteurs proposent la constitution d'une « coalition sociale majoritaire » appuyée sur un « projet républicain ». C'est à peu près la même chose. Et ça peut donner les mêmes résultats. Mais pour y parvenir, il ne faut pas avoir peur d'être socialiste, de sortir de Paris, de parler avec des vraies gens, de prononcer des mots comme « ouvrier », « peuple », « classe sociale »... Tout un programme...

La conclusion s'impose d'elle même. Si le PS veut regagner la confiance des classes sociales abandonnées à la bordure des grandes villes, il doit absolument renoncer à la posture morale et boboïsée surfant sur la vague de l'émotion médiatique, falsificatrice et manipulée qui règne sans partage sur les centres villes devenus des ghettos élitaires. S'en prendre aux moeurs de Frédéric Mitterrand ne suffit pas à faire peuple, car cela ne règle pas les problèmes de ce même peuple et ça l'incite à voter pour l'original incarnant l'ordre moral. Simple non?

Bruno Roger-Petit, le 31 octobre 2009

http://www.lepost.fr/article/2009/10/31/1768226_encore-un-livre-sur-le-ps-qui-va-faire-peur-a-valls-et-hamon.html

jeudi 29 octobre 2009

Construire une nouvelle alliance avec les couches populaires

Pourquoi la disparition de la classe moyenne affecte en priorité le parti socialiste ?

Elles reviennent dans l’actualité comme les feuilles en automne. Régulièrement, on se penche sur leur cas. Triomphantes voilà trente ans, on analyse aujourd’hui leurs difficultés, on les dit oubliées, précarisées… martyrisées. Mais qui sont donc ces classes moyennes ?

Quand on le demande aux Français par voie de sondage, tous ou presque se sentent en faire partie : parmi les 20 % disposant des revenus les plus hauts, 79 % se rangent sous la bannière « classes moyennes » ! De l’autre côté de la pyramide sociale, il y a près de 30 % des ouvriers qui pensent aussi en faire partie ! S’il y a un concept sociologique floutant, voire masquant, celui de classes moyennes détient véritablement la palme. Inventée au XIXe siècle, la classe moyenne a vu sa définition lentement se transformer pour finir par englober près des trois quarts de la population. Les sociologues sont d’ailleurs incapables d’en fixer les limites « scientifiques ». Quels critères retenir en effet : la profession, les revenus, le patrimoine, le niveau culturel ? Il faut dire que la dénomination marxiste (et peu flatteuse) de « petit-bourgeois » a progressivement laissé la place à « classe moyenne », au singulier puis au pluriel, plus policé, apparemment scientifique et presque technocratique, suffisamment engageante et édulcorante pour devenir une sorte de mythe pour société enfin « apaisée ».

Il y avait bien une vision idéologique de la société derrière le concept de « classe moyenne ». C’était la promesse d’une sortie des luttes de classes ; l’aspiration à cette fameuse classe moyenne ayant pour but de freiner la contestation de l’ordre établi. Les plus anciens se souviennent peut-être du livre de Valéry Giscard d’Estaing, Deux Français sur trois, qui entendait construire une majorité politique sur les bases sociales de la classe moyenne. Pendant les années 1970, la croissance soutenue pouvait encore laisser croire que l’intégration des couches populaires était en marche, que l’embourgeoisement était au bout du chemin. Il ne devait rester qu’une petite couche marginale de démunis et d’exclus à la base et une élite discrète au sommet. Le rêve est passé, la réalité est tout autre. Déjà la fin de la guerre froide avait ébranlé les fondements de cette « société moyenne » mais les coups de boutoir de la globalisation ont fait exploser le pacte social qui reposait sur une certaine retenue des classes dirigeantes. L’explosion des revenus des plus riches depuis dix ans est aujourd’hui insoutenable : + 11,3 % chez les 5 % les plus riches, 19,4 % chez les 1 % les plus riches et même 42,6 % chez les 0,01 % les plus riches (chiffres de Camille Landais). Course folle vers la démesure ? Absolument. Dislocation des intérêts communs à la classe dirigeante, comme l’analyse Emmanuel Todd ? Certainement. Mais, surtout, exposition de richesses qui détruit ce qu’Orwell appelait la « common decency », cette morale populaire faite d’honnêteté, de respect du bien commun et d’une certaine frugalité. Aujourd’hui, le sens de l’ascenseur social s’est inversé : on ne monte plus, tout le monde descend (ou le craint). Le risque de déclassement sape les fondements de cette société moyenne, ce qui ne va pas sans conséquences politiques.

Depuis le référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005 et « l’entrée en fureur des classes moyennes » (E. Todd), nous vivons une sorte de crise terminale de la social- démocratie européenne car c’est elle qui s’était le plus appuyée sur la mythique « classe moyenne ». Presque partout en Europe, les partis socialistes et sociaux-démocrates sont empêtrés dans leur promesse du confort petit- bourgeois pour tous. À force de réduire le progrès social à un simple progrès technique, matériel et finalement individuel, à force de céder les leviers de commandes économiques et financiers par « acclimatation » (soyons polis) avec les intérêts de l’élite, ces dirigeants ont perdu toute emprise sur la marche du monde. En France, ce rabougrissement intellectuel peut s’observer dans le comportement du PS. Ayant perçu la disparition programmée de cette vaste classe moyenne et donc de son principal vivier électoral, le PS n’a pourtant jamais osé théoriser une nécessaire refondation sociologique. Plutôt que d’affronter cette nouvelle réalité sociale en face, comme à son habitude, le PS biaise et se raccroche aux branches : c’est d’abord l’appel souvent caricatural à la « banlieue » comme pour cacher son désintérêt des couches populaires (la majorité des plus pauvres ne vivent pas en banlieue), puis ce furent les bobos comme roue de secours provisoire. Le PS s’est ainsi perdu en ville : centres anciens boboïsés et proches banlieues médiatisées sont les seuls espaces considérés. Or cette France-là est minoritaire, sociologiquement comme électoralement.

Finalement, le grand impensé de la gauche en général et du PS en particulier, c’est le peuple. Après les avoir trop longtemps méprisées, la gauche doit aujourd’hui se tourner vers les couches populaires car elles sont le plus touchées par les conséquences de la mondialisation financière. Elle doit construire une nouvelle alliance de classe, rassemblant les perdants objectifs de la globalisation, pour former une coalition sociale majoritaire qui lui permette d’exercer le pouvoir dans la durée. Rien d’impossible mais le travail sera long…

Jean-Philippe Huelin, militant socialiste, coauteur de recherche le peuple désespérément (bourin éditeur).

http://www.humanite.fr/2009-10-29_Idees-Tribune-libre-Histoire_Construire-une-nouvelle-alliance-avec-les

mercredi 28 octobre 2009

Recherche (le) peuple désespérément, par Bernard Teper


Nous vous le disons d'emblée, c'est le livre politique de l'automne pour tous les militants et citoyens éclairés. Vous arrêtez de suite le livre que vous êtes en train de lire, il attendra bien les longues nuits d'hiver. Vous pensiez en acheter un autre ? Retardez cet achat et précipitez-vous pour acquérir avant qu'il ne soit épuisé le livre qui a le même titre que cet article. Il est édité aux éditions Bourin. Que dites-vous ? Un autre journal vous en conseille un autre ? Changez de journal ! Vous avez un emploi du temps qui ne vous permet pas de lire ? Supprimer vos prochaines réunions familiales et galantes, repoussez au lendemain les activités militantes à l'efficacité douteuse, sachant que beaucoup de lignes stratégiques organisationnelles sont à "l'ouest" comme disent les "djeuns"!

Vous souhaitez connaître les auteurs? Sachez d'abord que la somme de leurs âges est inférieure au mien ! Sachez ensuite que j’écris cette recension car j'en ai un peu marre de tous ces " jeunes cons" qui ressemblent tellement par mimétisme aux "vieux cons" de ma génération. Je ne suis pas sensible au jeunisme. Mais lorsque certains d’entre eux montrent une voie de reconstruction, écoutons-les ! Pourquoi ? Pour redresser les lignes stratégiques obsolètes de la gauche toute entière, gauche de la gauche comprise. Ce n'est pas encore fait avec ce livre, mais les trois premiers chapitres en donnent les prémisses sans nul doute. Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin en ont fixé les bases sociologiques nécessaires. Car c'est bien là que toutes les lignes stratégiques de gauche ou d'extrême gauche font défaut. Après ce que d'aucuns appellent improprement "les trente glorieuses", puis la mondialisation néolibérale et enfin le turbocapitalisme, phase actuelle du capitalisme, énormément de choses ont évolué, y compris la sociologie des classes sociales et surtout leur enracinement spatial.
En lisant ce livre, on comprend pourquoi ceux qui n'ont comme univers que les villes-centres et les lieux de vacances pour bobos, qui ne voient plus de couches populaires dans leur vie courante, qui estiment que les couches populaires (ouvriers, employés) n’existent que dans les quartiers des communes de banlieues appelés pour la circonstance "quartiers populaires", ont en fait une vue déformée de la réalité et donc reproduisent des schémas obsolètes, produits par des médias aux ordres du néolibéralisme et repris par les organisations de gauche dans leurs lignes stratégiques
Ce livre concentre, en quelques dizaines de pages, les résultats des travaux de nombreux chercheurs bien répertoriés dans une bibliographie impressionnante mais directement connectée au texte lui-même. Cela est pour les militants et les citoyens éclairés de première importance ! On peut donc lire le texte lui-même ou on peut aller chercher des développements dans la bibliographie et je peux vous dire que vous en ressortez plus intelligent qu’avant.
Nous comprenons enfin pourquoi le PS de François Mitterrand a gagné en 1981 et pourquoi le PS de Jospin, Hollande et Royal a perdu par la suite. La messe est dite quand on sait que Lionel Jospin, lors du premier tour de la présidentielle de 2002, perd près des trois-quarts des couches populaires qui ont voté François Mitterrand au premier tour de la présidentielle de 1981 et que Ségolène Royal ne fait qu’un peu plus du double de Jospin et perd donc environ 40 % des voix qui se s’étaient reportés sur François Mitterrand au premier tour de 1981. Elle y est même devancé dans les couches populaires par… Nicolas Sarkozy lui-même ! Un comble ! Ségolène Royal est donc qualifié au second tour mais ne rassemble alors que la moitié des voix des couches populaires alors que François Mitterrand a eu au deuxième tour les trois-quarts de ces voix.
Le premier enseignement du livre est donc : qui veut gagner le droit d’administrer la France doit reconquérir d’abord les couches populaires, puis l’ensemble de la gauche.

Mais cela ne suffit pas. Il faut comprendre les modifications de la réalité depuis lors.
Nous voyons, directement en lisant ce livre, comment la mondialisation néolibérale a profondément modifiée la sociologie française. Nous voyons que, contrairement à ceux qui ont cru à la fin de la classe ouvrière et des couches populaires, ces dernières sont majoritaires dans le pays et donc que les couches moyennes dont on parle tant sont toujours minoritaires dans le pays. Nous voyons la recomposition sociologique s’effectuer dans quatre types de territoires : villes-centres, banlieues, zones périurbaines et zones rurales. Nous y voyons que les deux derniers espaces sont méconnus, oubliés, voire méprisés par tous les partis de la gauche, gauche de la gauche comprise. Nous comprenons mieux pourquoi le Front national a pu un temps s’y engouffrer. Qui sait que dans les zones rurales les couches populaires sont 5 fois plus nombreuses que les paysans pris au sens large ! Voilà qui va surprendre des militants et des citoyens éclairés !
C’est le deuxième enseignement de ce livre : la gauche ne peut gagner que si elle parle aussi aux couches populaires des zones périurbaines et rurales !

Mais cela ne suffit pas. Il faut comprendre comment se déterminent les couches populaires. Le non au traité constitutionnel européen a gagné principalement grâce à une mobilisation sans précédent des couches populaires des banlieues, des zones périurbaines et des zones rurales.
C’est le troisième enseignement de ce livre : si la gauche veut gagner, elle doit reconstituer le bloc sociologique majoritaire réalisé le 29 mai. Car les villes-centres concentrent principalement les gagnants de la mondialisation néolibérale. Et les banlieues, les zones périurbaines et les zones rurales, principalement les perdants. Voilà donc l’alliance majoritaire potentielle pour la gauche.
C'est le quatrième enseignement de ce livre : la bataille pour l’hégémonie idéologique de la gauche dans les banlieues, dans les zones périurbaines et dans les zones rurales devient donc centrale. Ceux qui ont organisé ou pris la parole dans les zones périurbaines et rurales pendant la bataille du non au TCE ont-ils remarqué qu’il y avait plus de monde pour participer aux réunions d’éducation populaire dans les zones rurales et périurbaines que dans les villes-centres ? De ce point de vue, les organisations qui ont répondu à l’appel de l’UFAL pour mener dans tout le pays une campagne d’éducation populaire tournée vers l’action ont vu juste. Comment expliquer autrement que lors de cette campagne d’éducation populaire tournée vers l’action, il y ait fréquemment un public beaucoup plus important sur une ligne de classe dans les zones rurales et périurbaines que dans les villes-centres !

Mais ce n’est pas tout. Pour retisser le lien avec les couches populaires, il convient de comprendre qu’ils ont compris où se situent leurs intérêts.
C’est le cinquième enseignement du livre : si la gauche veut gagner, elle doit reprendre le chemin des discours sur l’émancipation humaine, de la lutte pour la démocratie y compris au sein des organisations, elle doit comprendre que la lutte contre le libre-échange est une nécessité, que l’aspiration à l’égalité des couches populaires ne sera pas satisfaite par l’ersatz de l’équité ! L’aspiration à la république égalitaire ne sera pas détournée vers l’acceptation de l’apartheid social organisé par un communautarisme de quotas de visibilité !
Trois regrets : il manque une réflexion profonde sur la laïcité (pourtant sous-jacente dans les propos du livre) et un approfondissement des alternatives au libre-échange. Sur ce dernier point, il est dommage que le néo-protectionnisme altruiste, écologique et social ne soit pas présenté comme une alternative au libre-échange et au vieux protectionnisme de la droite. Enfin, on pourrait ajouter au livre que les sujets qui intéressent les couches populaires (emploi, précarité, protection sociale, logement, services publics, école, vivre ensemble et laïcité) sont ceux qui ne sont pas ou peu représentés dans les universités d’été des « grandes organisations », le PS à la Rochelle, le PC au Vieux-Boucau, le NPA à Port-Leucate ou le PG à Clermont-Ferrand ou ATTAC à Arles.
Mais ne ménageons pas notre satisfaction à la lecture de ce livre. Et comme nous sommes favorables à votre satisfaction, il est impératif que vous lisiez ce livre et que nous vous nous en fassiez à votre tour une recension. Nous attendons vos avis. Car c’est sur les sujets de ce livre que doivent se déterminer les débats politiques de la période. En tout cas pour ceux, militants et citoyens éclairés, qui veulent oeuvrer à la transformation sociale avec une coalition sociale majoritaire. Les autres peuvent continuer à lire leurs autres médias favoris...

Bernard TEPER

http://www.ufal.info/media_flash/,article,719,,,,,_Recherche-le-peuple-desesperement.htm

jeudi 22 octobre 2009

A la recherche du peuple perdu

Laurent Bouvet signe une recension de notre livre sur le site nonfiction.fr

Résumé : Cet essai stimulant définit les enjeux contemporains du défi historique de la gauche française : retrouver le chemin du peuple ou mourir.


Dans un court mais substantiel essai, deux jeunes auteurs (l’un est docteur en science politique et l’autre professeur d’histoire-géographie) que l’on devine proches du Parti socialiste, partent à la recherche du peuple perdu. Perdu par la gauche.

Pour tenter de le retrouver, ils s’appuient avec précision et pertinence sur les principales enquêtes et thèses sociologiques de ces dernières années concernant l’évolution de la stratification sociale française (« déclassement », « descenseur social », « égalité des possibles », « désordres du travail », « condition ouvrière»…) et rappellent, utilement, les résultats électoraux de la gauche dans les milieux populaires lors des derniers scrutins .

Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin déploient leur argumentation en trois temps.

D’abord sous la forme d’un réquisitoire, désormais classique même s’il est toujours bienvenu, contre l’abandon par la gauche (toutes les familles politiques en prennent d’ailleurs pour leur grade à fort juste titre) des catégories populaires – principalement les « ouvriers » et les « employés » des CSP de l’INSEE. Les élites de gauche (comme de droite) non seulement ne pensent plus au peuple – il y a quelque chose de « laschien » dans la critique des deux auteurs – mais elles finissent même par le détester. Les auteurs exposent ainsi la « prolophobie » qui anime les représentants de ces élites politiques et médiatiques, éloignées géographiquement (le centre des villes, les voyages d’une capitale à l’autre…) et sociologiquement (« bobos », cadres supérieurs et professions libérales…) de leurs concitoyens . Ils se concentrent sur la protection de leurs intérêts et de ceux de leurs enfants et s’abritent des effets et des risques de la globalisation . Le tableau dressé de la situation et des préférences politiques des désormais fameux « bobos », ces habitants des centre-villes gentrifiés refusant d’abandonner une « sensibilité de gauche » souvent réduite au libéralisme culturel (celui des mœurs et des droits étendus) et au culte de la « diversité », et qui forment le cœur de l’électorat socialiste et vert depuis maintenant des années, est juste et savoureux.

Deuxième temps de la démonstration : la mise en évidence, déjà beaucoup moins classique dans un essai politique, d’une « France invisible ». Identifiée ici à la périphérie lointaine des villes, à un au-delà de ces « banlieues » auxquelles la gauche a si souvent réduit son horizon social ces dernières décennies. Cette périphérie, c’est notamment celle des « petits-moyens » habitant dans les zones pavillonnaires et de ces différentes catégories sociales éparpillées dans un espace rurbain ou rural. Ce sont eux, les oubliés du système et surtout de la gauche qui doit impérativement, comme le disent les auteurs, repenser la logique de « l’individualisme populaire » à l’œuvre dans cette France-là. Ses habitants ne sont pas assez « exclus » pour être la cible des politiques mises en place par les gouvernements socialistes des années 1980-90 (politique de la ville, politique de lutte contre l’exclusion…) mais ils ne sont pas davantage considérés par les médias et les « décideurs » installés dans les centres urbains – là pourtant où ils travaillent en nombre.

Le biais géographique privilégié par les auteurs nous aide à mieux saisir une réalité sociale souvent occultée et parfois oubliée : ces habitants de la France d’au-delà (et non plus d’en-bas donc) souffrent, et dans un relatif silence politique, celui de l’abstention notamment. Plus intéressant encore, les auteurs nous montrent combien ils sont « divers » sans pour autant participer à la « diversité » partout affichée comme un bienfait en soi et une solution aux problèmes sociaux . C’est sans doute là un des points les plus suggestifs du livre : montrer combien la richesse de cette société reléguée en arrière-plan des paysages qui défilent à grande vitesse lorsque les insiders prennent le TGV ou l’avion, est représentative de la France telle qu’elle est et non telle qu’on la voudrait ou la souhaiterait dans les grandes rédactions parisiennes ou dans les QG des partis politiques.

Pour finir, les auteurs lancent quelques pistes qui peuvent permettre de sortir de la double situation d’enfermement des classes populaires et d’échec de la gauche au plan national. Ils prônent la mise en place d’une « coalition sociale majoritaire » autour d’un « projet républicain » pour enfin sortir de l’impasse politique, économique et sociale dans laquelle s’est enfoncé le pays . Cette dernière partie est malheureusement trop courte et la moins aboutie de l’ensemble, c’est dommage. Cela ne peut que rendre le lecteur encore plus impatient dans l’attente d’un « tome 2 » indispensable… avant 2012 !

Par Laurent Bouvet sur le site nonfiction.fr
http://www.nonfiction.fr/article-2865-a_la_recherche_du_peuple_perdu.htm

samedi 17 octobre 2009

Salaire maximum : la décence minimum

Coauteur d’un essai intitulé « Recherche le peuple désespérément », Jean-Philippe Huelin nous explique les évolutions de la gauche sur la question du salaire maximum. Y-aura-t-il un candidat pour porter ce projet en 2012?

Ce jeudi 15 octobre, le groupe socialiste défendra à l’Assemblée nationale une proposition de loi instaurant un salaire maximum. Ce texte prévoit que les entreprises aidées par l’Etat voient le salaire de leurs dirigeants plafonné à vingt-cinq fois le salaire minimum pratiqué à l’intérieur de l’entreprise et que, dans les autres entreprises, un écart de rémunérations entre les salaires minimum et maximum soit fixé par l’Assemblée Générale des actionnaires.

On peut néanmoins avoir déjà une idée de la teneur des débats à la lumière de l’accueil réservé au texte en commission des lois le 7 octobre dernier : l’UMP a repoussé tous les articles de la proposition de loi socialiste à l’exception du deuxième qui prévoit la création d’un «comité des rémunérations » dans chaque entreprise, mesure avancée dans le rapport Houillon (UMP) rendu public en juillet dernier. On constate que sur cette question, et malgré les discours du Président de la République, la droite reste prisonnière du néolibéralisme…et du Medef.

Pour autant, sur ce thème du « salaire maximum », le PS revient de loin et s’en saisit alors qu’il l’a laissé en jachère depuis le début de la crise financière. Dans un premier temps, seuls Marie-Noëlle Lienemann et Jean Glavany avaient signé la pétition initiée par Marianne au printemps dernier. Depuis, ils ont été rejoints par Guillaume Bachelay et Jean-Louis Bianco. Les choses se sont accélérées très récemment, sous la pression d’Alain Vidalies, pour que cette proposition de loi soit soutenue par les principaux dirigeants du parti et du groupe.

En avril dernier, les deux députés du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, Marc Dolez et Jacques Desallangre, avaient les premiers fait une proposition de loi qui fixait un salaire maximum à vingt fois le salaire minimum. Le Front de gauche avait ensuite su reprendre cette proposition et la médiatiser au cours de la campagne européenne, tout comme la liste Europe-écologie, aiguillonnée par le collectif « Sauvons les riches », qui voulait porter un revenu maximum autorisé et européen de 44 000 euros par mois. La jeune députée européenne Karima Delli l’a annoncé clairement : « on se donne dix ans pour réussir !» Même le MoDem de François Bayrou embraye sur le salaire maximum en le reprenant dans ses propositions.

Finalement, la cause du salaire maximum se porte bien : 4000 signataires de l’appel lancé par Marianne auquel il faut ajouter les 2000 de la pétition du mouvement Utopia, des partis politiques qui se saisissent progressivement du problème, des citoyens qui se regroupent sur Internet (groupes facebook, Ministère de la fraternité…etc). Le combat culturel doit se poursuivre et s’intensifier dans les mois qui viennent. Avec un peu de persévérance (et de chance), le salaire maximum pourrait être une mesure-phare d’un candidat qui voudrait battre Nicolas Sarkozy en 2012…

Retrouver le dossier sur le site "Pour un salaire maximum"

http://www.marianne2.fr/Salaire-maximum-la-decence-minimum_a182435.html

mardi 13 octobre 2009

A lire sans faute: Recherche peuple désespérément

Exclusif. Dans un livre qui, espérons-le fera date, deux intellectuels socialistes montrent comment, depuis trente ans, la classe ouvrière, loin de disparaître, s'éloigne des villes et des banlieues pour s'installer dans des zones peri-urbaines ou rurales, et comment une certaine gauche médiatique persiste à l'ignorer, parfois au prix d'une prolophobie de plus en plus évidente.

Amis lecteurs, le livre dont nous publions quelques extraits ci-dessous n'est pas comme les autres. Publié par Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, respectivement docteur en sciences politique et professeur d'histoire-géographie, il prolonge bien des analyses et des combats menés par Marianne depuis douze ans. Mais surtout il les éclaire d'un jour nouveau, « géo-sociologique ».

Ce peuple que la gauche et les modernes tiennent pour résiduel depuis vingt ans, existe toujours : le nombre d'ouvriers a baissé, mais très peu, et celui d'employés a augmenté. Mais la mondialisation a obligé les uns comme els autres à muter, à bouger toujours plus loin de ces centre-villes devenus les territoires de la nouvelle bourgeoisie que seuls ses domestiques de divers ordres (valets, femmes de ménage, promeneurs de chiens, précepteurs, babysitters) peuvent encore approcher.

Une mutation sociale politique s'est effectuée sous nos yeux sans que personne n'en rende compte dans la sphère médiatique ou même intellectuelle : le poids des ouvriers ne cesse de monter dans les département dits « ruraux ». L'inflation immobilière a poussé les ouvriers et employés à s'éloigner des villes pour payer moins cher leur logement, quitte à dépenser un budget considérable dans les déplacements.

Or, cette population prolétaire fixée à la campagne est de plus en plus abandonnée, voire méprisée par la gauche et par les médias. Elle a d'abord constitué la première force de frappe du non au Traité constitutionnel européen, où, rappelons-le, les salariés gagnant entre 1000 et 2000 euros ont été 65% à voter non. La géographie électorale du non au TCE colle très bien à la thèse des auteurs : en desssous de 500 habitants, le non y atteind presque 60%; entre 500 et 9 000 habitants, il est de 55 à 59%; le oui n'est majoritaire que dans les villes depuis de 100 000 habitants. Or, cet espace urbain est devenu le bastion de la gauche et du PS.

Cette France rurale et péri-urbaine est la principale prise de guerre électorale de Nicolas Sarkozy qui a permis sa victoire en 2007. Que le PS et la gauche continuent à l'ignorer, qu'ils sanctifient, par exemple, Frédéric Mitterrand et pourchassent Benoît Hamon et ils mettront toutes leurs chances de leur côté pour subir une nouvelle raclée en 2012. Voilà pourquoi il faut lire et faire lire le livre de Gaël Brustier et Philippe Huelin.

EXTRAITS DU LIVRE RECHERCHE PEUPLE DESESPERMENT

À l’heure de la crise pétrolière et de la crise des subprimes, l’habitat en pavillon périurbain expose à une fragilité finan-cière des populations nouvellement accédantes à la propriété déjà en situation de fragilité économique (précarisation de l’emploi, surendettement...). Quand le remboursement du pavillon compte pour un tiers du budget et l’automobile pour un quart, il ne reste pas grand-chose pour vivre. C’est ainsi que ce que les médias appellent la crise des banlieues, dont la visibilité est plus aisée, cache en réalité une crise beaucoup plus grave et profonde qui a commencé à se manifester par la voie du vote. Alors que le candidat Sarkozy a su capter une bonne partie de l’électorat périurbain, la gauche doit en grande partie ses défaites de2002 et 2007 à son incompréhension des désirs du monde pavillonnaire. Le périurbain vaut mieux que les caricatures dressées par les élites urbaines.

La gauche serait bien inspirée de se pencher sur cette colère populaire qui monte face à la relégation territoriale et sociale. La crise risque d’être aiguë quand le pavillon, «abri antiglobalisation», se transformera en traquenard social. Confortablement calé dans ses certitudes, le commentateur dispense son analyse des victoires de la droite dans les zones rurales comme une reproduction du vieux schéma électoral du XIXe siècle, celui qui voyait les paysans français porter Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, élire l’Assemblée de Versailles en 1871 puis la Chambre introuvable de 1919... Il y eut certes des paysanneries progressistes, essentiellement dans le centre de la France, du Bourbonnais au Limousin, mais il est vrai que, pour l’essentiel, la paysannerie était conservatrice. Depuis, le monde rural s’est profondément recomposé. La France rurale d’aujourd’hui est beaucoup moins une France paysanne qu’une France des oubliés, une France d’ouvriers et d’employés plus qu’une France d’agriculteurs.

De la prolophobie en milieu éditorial

Dans l’«espace à dominante rurale», les ouvriers forment 34,7% des actifs en 1998 alors que les agriculteurs n’en rassemblent quant à eux que 8,6%. De jeunes couples sont venus s’installer dans des zones rurales et en ont changé le visage. À quelques exceptions près, les sciences sociales ont délaissé l’étude des mondes ruraux. «Reliquats d’un avant» ces espaces sociaux, pourtant riches d’enseignements, sont ignorés tant par les médias que par le monde politique. Un étrange cocktail fait de stigmatisation et de bien-pensance renvoie invariablement ces espaces aux clichés les plus éculés: arriération, racisme, alcoolisme, rejet de la modernité, conservatisme et conformisme. Il y a derrière ces clichés une forme de prolophobie de la part d’une partie des élites françaises.

La montée du vote FN dans les campagnes sous dépendance des villes ou le vote proprement rural sous la bannière de Chasse, Pêche, Nature et Traditions (CPNT) n’ont fait qu’aviver ce mépris des médias et des politiques qui n’en sont pas issus. Ce sont des zones qui connaissent aussi la violence, mais c’est une forme de violence sociale très souvent ignorée, qui peut s’observer dans les conditions de travail ou par la précarité de l’emploi. Un exemple flagrant traduit toute la complexité de ce que subissent les ruraux, les avis de décès de la presse régionale en témoignent: il s’agit des accidents de la route.

Entre les jeunes citadins et les jeunes ruraux, l’inégalité face à la violence routière est patente. Si «plus d’un Français de 15 à 24ans sur trois vit à la campagne», on ignore délibérément ce gros tiers de la jeunesse française, on ignore ses angoisses et ce qu’elle subit. Cette catégorie de population a résisté à la «mutation spectaculaire des pratiques routières»: la baisse du nombre de tués sur les routes. Ainsi, quand en 2004 on assiste à une nouvelle baisse du nombre de décès liés aux accidents automobiles, les «18-24ans, et eux seuls, ont vu leur nombre de tués augmenter».

Les chiffres sont éloquents: 93% des accidents mortels ont été le fait de conducteurs masculins, 73% des cas sont des accidents s’étant déroulés en rase campagne, 30% des accidents mortels sont dus à l’alcool, 70% ont eu lieu la nuit et 46% le week-end.

Un phénomène méconnu : l'exode urbain

Si les statistiques sont encore imprécises, on peut sans peine établir que les accidents concernent, d’un point de vue empirique, davantage les jeunes ouvriers ruraux. Pourquoi? Très certainement parce qu’ils sont soumis à des cadences de travail harassantes et à de longs trajets domicile/travail avec des véhicules moins bien équipés que ceux des gens plus riches. Les jeunes ruraux expulseraient par leur comportement routier une violence subie au travail; la voiture serait le biais par lequel les «valeurs masculines» consoleraient ces jeunes soumis à la dureté du système économique.

Il y a, en France, un prolétariat rural, des ouvriers ruraux. Le statut d’ouvrier concerne plus de 60% des hommes ruraux actifs (contre 44% des citadins) et 18% des femmes rurales actives (contre 9% des urbaines). Le monde ouvrier tend à devenir de plus en plus rural consécutivement à la mutation des villes et au phénomène de délocalisation industrielle qui a frappé les pôles urbains bien avant que l’on ne parle des délocalisations vers l’Asie...
En effet, au cours des années 1990, le mouvement d’exode rural issu de la Révolution industrielle s’est inversé: 75% des cantons ruraux ont un solde migratoire positif, on peut donc parler d’exode urbain qui concerne des ménages modestes et souvent exclus du monde du travail. On perçoit par exemple cette évolution dans l’explosion du nombre des bénéficiaires du RMI dans les départements ruraux.

Philippe Cohen
http://www.marianne2.fr/A-lire-sans-faute-Recherche-peuple-desesperement_a182413.html

samedi 10 octobre 2009

Ce que parler aux «nuls» veut dire, par Gaël Brustier

Photographié en caleçon de bain par des paparazzi en pleine lecture de L’Histoire de France pour les nuls, M. François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste (PS), a fait, en 2006, une publicité involontaire à la série de livres «pour les nuls».

Créée aux Etats-Unis, cette collection a bénéficié, au début des années 1990, de l’engouement des ménages pour l’informatique, avec son premier volume DOS for Dummies. Elle existe aujourd’hui dans de nombreux pays : Espagne, Bulgarie, Chine, Royaume-Uni, Pays-Bas, Estonie, Allemagne, Grèce, Portugal, Russie et Serbie. En France, les droits en sont achetés par les éditions First en 2000. Avec Le PC pour les nuls et L’Internet pour les nuls, elles rencontrent un succès immédiat. Mais, habile, la maison d’édition parisienne décide de traiter d’autres sujets, liés à la vie quotidienne : Payer moins d’impôts pour les nuls, Relancez votre couple pour les nuls, La Bible pour les nuls ou, pour les moins chanceux des «nuls», Le Diabète pour les nuls, dont le très relatif succès aurait éloigné les éditions First des sujets médicaux.

La collection est souvent plaisante, bien construite et agréable à lire. «Nous voulons déculpabiliser les lecteurs, déclare son directeur Vincent Barbare. Nous partons du principe qu’aucun sujet n’est compliqué a priori. Mais la règle est de ne jamais se cacher derrière un ton léger, le sérieux prime. Il faut aussi un talent d’écriture, le sens de l’humour .» Selon son patron, la collection serait rien moins que le pendant grand public de la très universitaire collection «Que sais-je ?».

Coup de maître, L’Histoire de France pour les nuls se révèle un succès commercial hors du commun avec sept cent mille exemplaires vendus en 2006. Ce choix correspond à la volonté de publier aussi des créations françaises, et non plus seulement des traductions. A partir de cette date, l’éditeur n’hésite plus à aborder des sujets politiques avec, en 2007, La Politique pour les nuls. En 2008, deux millions d’ouvrages de la collection ont été écoulés, consacrant l’une des (...)

Retrouvez la version intégrale de cet article en dernière page du Monde diplomatique actuellement en kiosques.

dimanche 4 octobre 2009

Tête de liste régionale : résultats

Voici deux articles de "L'Est républicain" du 3 octobre 2009 :

vendredi 2 octobre 2009

Communiqué de presse

Je tiens d’abord à féliciter Marie-Guite Dufay. Le rassemblement de tous les socialistes se fera autour d’une volonté commune de faire reculer le rouleau-compresseur néolibéral.

Je veux aussi remercier chaleureusement les militants qui ont voté pour moi ainsi que tous les sympathisants de gauche qui m’ont témoigné de leur soutien. Modeste « candidat du débat », mon score approche voire dépasse les 10% dans les fédérations où j’ai eu la chance de pouvoir m’exprimer. Sans le soutien public d’aucun élu local, j’ai essayé de porter une vision ambitieuse et renouvelée de l’idéal socialiste. Les combats d’idées ne sont jamais vains…

Je constate ce matin avec intérêt que certains sondages montrent que, pour nos concitoyens, les enjeux nationaux sont tout aussi importants que les enjeux locaux dans cette campagne régionale (ils le sont plus chez les sympathisants de gauche). Il est évident que la préparation des victoires de 2012 passe par celles de 2010.

Nul doute enfin que nous devrons, collectivement, apporter des solutions à la désespérance sociale chaque jour plus grande en Franche-Comté comme ailleurs dans notre pays. Pour ma part, je continuerai à y travailler.

jeudi 1 octobre 2009

Mes chers camarades du PS...

C'est la fable de la mouche et de la batte de base-ball...


Précision :
Lors du scrutin interne pour la désignation du candidat socialiste à l'élection cantonale de Lons-Sud, j'ai rassemblé 7 voix sur 22 votes exprimés soit 32 %. C'est pas mal, un tiers pour un Lédonien de branchage contre un Lédonien de souche !
Par ailleurs, je n'ai jamais disputé la tête de liste municipale. Christophe Perny était seul en lice. Ce dernier m'a bien proposé la 5ème place sur la liste de gauche... comme à une demi-douzaine de camarades socialistes ! Dans ces conditions j'ai préféré rester en retrait.