lundi 8 avril 2002

Le Jacobin : "Régis Debray, un itinéraire"

Le troisième numéro du trimestriel du Cercle Saint-Just est consacré à Régis Debray. Je me suis occupé de la coordination du dossier :

Présentation

Entre nous, nous l’appelons « Régis », avec la chaleur que nous inspire un grand-frère, la proximité du révolutionnaire, le respect d’un maître. Alors que nous sommes engagés dans une époque de refondation politique, il nous est apparu propice de consacrer un numéro de notre revue à Régis Debray, ce touche-à-tout brillant qui motive notre démarche. 

Le portrait ou récit d’un parcours intellectuel et politique est un exercice d’équilibriste : ne pas tomber dans les jugements définitifs (« c’est une girouette ») que l’on réserve en général aux adversaires ni dans l’hypocrisie du « il a toujours été cohérent avec lui-même » des hagiographies insipides. Sans vouloir cacher l’admiration que nous lui portons, nous avons traité les différentes étapes d’une vie en cherchant à rendre raison de ses choix, les comprendre en les replaçant dans leur contexte politique. Derrière la majorité des contributions, il y a comme enjeu l’explication et les conséquences d’une « mue doctrinale », datée de 1968, avouée et assumée entièrement par Régis Debray.

Nous voulons donner ici quelques éclairages, très partiels, de son itinéraire en nous limitant aux aspects politiques. Pour aller plus loin, nous renvoyons à l’ouvrage collectif "Faut-il brûler Régis Debray ?" (de François Dagognet, Robert Damien, Robert Dumas, Champ Vallon, 1999) qui en plus de la politique s’intéresse à ses travaux esthétiques et médiologiques. 

Enfin, nous tenons à remercier Régis Debray de nous avoir accordé un long entretien et pour la sollicitude qu’il a manifestée à l’égard de notre travail. Merci également à Ernest Pignon-Ernest qui a accepté très gentiment d’illustrer la couverture de ce numéro.

Que ces modestes contributions stimulent d’autres études, la complexité et l’intérêt du personnage le méritent grandement. 

Pour lire la totalité de ce numéro du Jacobin, vous pouvez cliquer ici.

dimanche 10 mars 2002

Discours au meeting de soutien à Jean-Pierre Chevènement

Le meeting du 9 mars 2002 était celui des jeunes soutenant la candidature de Jean-Pierre Chèvenement. A cette occasion, j'ai prononcé le discours suivant ayant pour thème la culture :

Chers amis, 

Pour commencer cette intervention, je citerais une phrase qui est, je crois, symptomatique de la nouvelle trahison de nos élites : « L’exception culturelle française est morte ! » Elle est signée, vous le savez, de Jean-Marie Messier. Citizen Messier, le nouveau magnat autoproclamé des Etats-Unis d’Occident. Celui qui prétend « un français plus américain que moi, tu meurs ! » On le comprend, être français aujourd’hui, c’est vraiment ringard pour un grand patron aux ambitions mondiales et le cinéma français vraiment indigne et misérable par rapport aux bénéfices mirifiques faits par les films américains. Voilà la nouvelle pensée unique en matière culturelle, voilà ce que nous devons combattre avec vigueur ! 

Si nous défendons l’exception culturelle, ce n’est pas pour nous replier sur notre pré-carré national, c’est pour continuer à apporter un regard original sur les choses de la vie, c’est pour lutter contre l’uniformisation de nos rêves. Quand j’entends José Bové et ceux qui se veulent « anti-mondialistes », j’ai envie de dire avec eux : « Le monde n’est pas une marchandise… la culture non plus ! » 

La culture justement nous sauve du quotidien et du contingent, elle lie une communauté, elle fonde une nation. En effet, pour aller vers l’Universel, il faut partir de quelque part et en France ce quelque part s’appelle la nation citoyenne. Aussi mettre en danger nos repères culturels, c’est atomiser la communauté nationale, c’est enfermer chacun dans ses particularismes, c’est empêcher l’individu de s’élever vers ce qui le transcende, en une formule, c’est transformer le citoyen en consommateur. Et cela, nous ne l’accepterons pas ! 

 Pour continuer à faire France, nous devons poursuivre l’œuvre multiséculaire de la transmission de notre patrimoine culturel. Je ne prendrais ici qu’un seul exemple : l’enseignement du latin et du grec. Sur cette question, Les Héritiers, le livre du grand sociologue récemment disparu Pierre Bourdieu, a longtemps été l’arbre qui cachait la forêt. Si l’enseignement de ces deux langues anciennes a certes pu permettre à l’élite de s’auto-reproduire, il est d’abord et avant tout le moyen d’accéder à la culture classique. Et qu’est-ce que la culture classique sinon ce qui ne meurt pas, ce qui s’oppose à la mode et à l’air du temps, autres noms pour désigner la culture-kleenex, la cuculture ! 

 Au lieu de dénigrer la culture classique, nos élites post-soixante-huitardes auraient été mieux inspirées d’en permettre l’égal accès. Au nom de quoi les enfants des quartiers populaires n’auraient pas le droit de prétendre à cette culture classique devenue, quasiment par réflexe de classe, propriété exclusive des enfants des centres-villes ! 

Je terminerai par cette citation issue du dernier livre de notre candidat : « Il faut le répéter sans cesse : à la racine des choses, il y a la culture. L’école libératrice, c’était d’abord l’émancipation par le savoir. C’était la philosophie des Lumières. C’est elle qu’il nous faut retrouver aujourd’hui. »