La Gauche française est-elle perdue dans le triangle des Bermudes de la social-démocratie européenne finissante ? Avec frénésie elle s’est emparée des dernières croyances à la mode, avec passion elle rejoue sans cesse des débats du passé et dépassés, avec aveuglement elle s’est détournée des questions qui, pourtant, pourraient l’amener à devenir dominante dans le pays.
Dans la période actuelle, le pis-aller écolo-centré, qui voit se substituer dans le panthéon de la Gauche, un photographe héliporté et un animateur télé en ULM à Jean Jaurès ou Lucien Herr, laisse pantois. La dernière des religions – l’écologisme millénariste télégénique – est pourtant la négation du politique. Assénant une morale de missionnaires et d’Inquisiteurs, elle délaisse le terrain du concret pour s’en remettre à la contrition, aux indulgences et à la mortification. Idéologie a-conflictuelle, la religion verte peut pardonner au pécheur mais ne remet jamais en cause les fondations du système économique actuel. Evidemment, contester la nouvelle théologie verte n’exclue pas de se poser quelques bonnes questions relatives au mode de production et de consommation frénétique des sociétés du Nord et de discuter des éléments de décroissance qu’il devient urgent de mettre en place. La crise environnementale existe mais elle est aussi, dans le monde, la conséquence de formes de domination. On n’a jamais combattu l’injustice par l’établissement d’un ordre moral plus contraignant. Les listes « Europe Ecologie » ont eu ceci de particulier qu’elles ne s’en prenaient à personne : ni au lobby de la chimie, ni à un libre-échange destructeur ni enfin à la frénésie consumériste, apparemment légitime pour peu qu’elle soit verte… Pour la Gauche, l’enjeu n’est pas de participer à ce Te Deum cohn-bendiste mais à conflictualiser (enfin !) le combat environnemental et en faire un vecteur d’émancipation.
On ne peut cependant, confessons-le, reprocher au citoyen de préférer défendre les ours polaires que les éléphants de Solférino. D’autant que ces derniers rejouent à l’infini des saynètes déjà maintes fois produites dans ce théâtre d’ombres qu’est la vie politique française. Le clivage entre première et deuxième gauche est ainsi devenu complètement obsolète. A chaque Congrès du PS, on nous prédit une réédition du Congrès de Metz de 1979. Au fond, si la première gauche n’a pas réussi à véritablement supplanter la deuxième c’est parce qu’elle s’est interdit de penser la société, et si cette dernière ne s’est pas substituée à la première c’est parce qu’elle a refusé de penser la nation. Dans cet éternel match nul entre deux Gauches, on a gagné un jeu de postures, une concurrence effrénée des écuries présidentielles et perdu autant d’intelligence collective que d’électeurs. Presque consécutivement, l’Europe est devenue un mythe de substitution, alternativement palliatif ou sédatif…
L’Europe est en effet l’autre débat qu’il faut enfin dépasser. A l’instar d’Hubert Védrine, osons enfin affirmer que « les controverses générales sur l’Europe sont épuisées depuis le référendum de 2005 ». Il faudrait à la Gauche le courage d’accepter une évidence : la nation est le seul espace pleinement civique. Il lui faudrait aussi la témérité d’accepter que l’Europe soit ce qu’elle doit être : une forme de cosmopolitisme qui n’a aucunement vocation à se substituer aux nations ni non plus à devenir un ensemble fédéral. C’est un effort à faire pour tenants du « oui » à la Constitution européenne qui, dans leur ensemble, ne renoncent encore pas à s’en remettre à une vision idéalisée de l’Europe et justifient ainsi la seule Europe réellement ressentie, celle du droit de la concurrence et du libre-échange. Ceux du « non » quant à eux, en se remettant à une hypothétique « constituante » européenne ne rendent pas service non plus au débat public en avançant des hypothèses plus franco-françaises que véritablement réalistes.
Pour en sortir, la Gauche française doit savoir aborder quelques problèmes fondamentaux : quelle analyse commune de la géopolitique mondiale peut-elle dégager ? Quelle analyse de la mondialisation en découle ? Quel sort réserve-t-elle au libre-échange ? Comment entend-elle se préparer aux potentielles crises monétaires de demain (chute du dollar et/ou explosion de l’Euro) ? Sur cette base quel projet de société a-t-elle la volonté de bâtir : comment conçoit-elle l’égalité ? Veut-elle en faire le facteur de mobilisation des trente prochaines années ? A ces questions, il devient urgent de répondre.
Dans la période actuelle, le pis-aller écolo-centré, qui voit se substituer dans le panthéon de la Gauche, un photographe héliporté et un animateur télé en ULM à Jean Jaurès ou Lucien Herr, laisse pantois. La dernière des religions – l’écologisme millénariste télégénique – est pourtant la négation du politique. Assénant une morale de missionnaires et d’Inquisiteurs, elle délaisse le terrain du concret pour s’en remettre à la contrition, aux indulgences et à la mortification. Idéologie a-conflictuelle, la religion verte peut pardonner au pécheur mais ne remet jamais en cause les fondations du système économique actuel. Evidemment, contester la nouvelle théologie verte n’exclue pas de se poser quelques bonnes questions relatives au mode de production et de consommation frénétique des sociétés du Nord et de discuter des éléments de décroissance qu’il devient urgent de mettre en place. La crise environnementale existe mais elle est aussi, dans le monde, la conséquence de formes de domination. On n’a jamais combattu l’injustice par l’établissement d’un ordre moral plus contraignant. Les listes « Europe Ecologie » ont eu ceci de particulier qu’elles ne s’en prenaient à personne : ni au lobby de la chimie, ni à un libre-échange destructeur ni enfin à la frénésie consumériste, apparemment légitime pour peu qu’elle soit verte… Pour la Gauche, l’enjeu n’est pas de participer à ce Te Deum cohn-bendiste mais à conflictualiser (enfin !) le combat environnemental et en faire un vecteur d’émancipation.
On ne peut cependant, confessons-le, reprocher au citoyen de préférer défendre les ours polaires que les éléphants de Solférino. D’autant que ces derniers rejouent à l’infini des saynètes déjà maintes fois produites dans ce théâtre d’ombres qu’est la vie politique française. Le clivage entre première et deuxième gauche est ainsi devenu complètement obsolète. A chaque Congrès du PS, on nous prédit une réédition du Congrès de Metz de 1979. Au fond, si la première gauche n’a pas réussi à véritablement supplanter la deuxième c’est parce qu’elle s’est interdit de penser la société, et si cette dernière ne s’est pas substituée à la première c’est parce qu’elle a refusé de penser la nation. Dans cet éternel match nul entre deux Gauches, on a gagné un jeu de postures, une concurrence effrénée des écuries présidentielles et perdu autant d’intelligence collective que d’électeurs. Presque consécutivement, l’Europe est devenue un mythe de substitution, alternativement palliatif ou sédatif…
L’Europe est en effet l’autre débat qu’il faut enfin dépasser. A l’instar d’Hubert Védrine, osons enfin affirmer que « les controverses générales sur l’Europe sont épuisées depuis le référendum de 2005 ». Il faudrait à la Gauche le courage d’accepter une évidence : la nation est le seul espace pleinement civique. Il lui faudrait aussi la témérité d’accepter que l’Europe soit ce qu’elle doit être : une forme de cosmopolitisme qui n’a aucunement vocation à se substituer aux nations ni non plus à devenir un ensemble fédéral. C’est un effort à faire pour tenants du « oui » à la Constitution européenne qui, dans leur ensemble, ne renoncent encore pas à s’en remettre à une vision idéalisée de l’Europe et justifient ainsi la seule Europe réellement ressentie, celle du droit de la concurrence et du libre-échange. Ceux du « non » quant à eux, en se remettant à une hypothétique « constituante » européenne ne rendent pas service non plus au débat public en avançant des hypothèses plus franco-françaises que véritablement réalistes.
Pour en sortir, la Gauche française doit savoir aborder quelques problèmes fondamentaux : quelle analyse commune de la géopolitique mondiale peut-elle dégager ? Quelle analyse de la mondialisation en découle ? Quel sort réserve-t-elle au libre-échange ? Comment entend-elle se préparer aux potentielles crises monétaires de demain (chute du dollar et/ou explosion de l’Euro) ? Sur cette base quel projet de société a-t-elle la volonté de bâtir : comment conçoit-elle l’égalité ? Veut-elle en faire le facteur de mobilisation des trente prochaines années ? A ces questions, il devient urgent de répondre.
Gaël Brustier - Essayiste | Dimanche 12 Juillet 2009
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