samedi 15 août 2009

Socialistes, revenez à la maison ! par Jean-Philippe Huelin

L’initiative de Martine Aubry a fait un flop. Pour ses partenaires de gauche, la « vieille maison » est décidément trop fragile pour envisager toute extension. Ses piliers absents, le délabrement idéologique patent, ils ont renoncé à l’invitation dans cette «maison commune» de peur que le plafond ne leur tombe sur la tête ! On les comprend un peu tant cet empressement camoufle mal un certain déclin électoral du PS. Pour rassembler, mieux vaut faire envie que pitié!

Comment en est-on arrivé là? Beaucoup d’observateurs ont bien analysé cette étrange forme de lassitude réciproque entre les socialistes et son électorat populaire naturel ; ceux-ci n’étaient plus assez bien pour la nouvelle élite de gauche, ceux-là avaient trahi la promesse des fleurs de mai. Certes, mais ce progressif divorce n’aurait pu s’accomplir sans mythes de substitution destructeurs de l’idéal socialiste. J’entends par là la conversion des principaux dirigeants socialistes à la doxa des années 80: européisme et libre-échange sans parler du productivisme et de la promotion d’une culture petite-bourgeoise, déjà plus anciens. Il est inutile de fixer des responsabilités individuelles à cette dérive. Elle fut collective, tous ont plus ou moins trempé dans ce trouble bouillon de culture.

A tous les socialistes, les plus vieux comme les plus jeunes, les élus, les aspirants et les militants, à ceux qui sont encore volontaires pour continuer l’histoire et à ceux qui ne sont déjà pas trop blasés, j’ai envie de dire : Revenez à la maison ! Notre force pour changer le monde est dans notre histoire, dans nos racines, dans notre tradition. Les livres sont là, ils ne demandent qu’à être relus. Les pères fondateurs du socialisme sont plus modernes que jamais, il suffit de ne pas avoir honte d’eux!

Gramsci a montré la puissance des idées. Le combat politique est préalablement un combat culturel où il faut imposer ses idées dans le champ intellectuel et médiatique pour ensuite vaincre électoralement. Ce n’est pas en biaisant, en esquivant voire en renonçant à ses idées que l’on peut les imposer.Marx se friserait la moustache de notre crise actuelle. Ses réflexions sur le capitalisme qui tend à sa propre négation comme son analyse sociologique de l’affrontement politique en termes de classes sont d’une incroyable pertinence. Comment ne pas construire des réponses politiques à cette situation quand on se dit socialiste ? Jaurès qui définissait le socialisme comme «la République jusqu’au bout» doit revenir notre guide ; mais il ne suffirait pas, comme d’autres, de se servir de lui comme slogan: «Rallumer tous les soleils» n’est envisageable qui si l’on accepte de reconsidérer le peuple, de se réconcilier avec l’idée de Nation et de briser le cercle de l’exploitation.

Vaste programme d’études qui demande pourtant des compléments. On serait effectivement en droit d’attendre du PS qu’il se saisisse des questions idéologiques du moment posées en périphérie du socialisme et auxquelles le PS tourne, pour l’instant, ostensiblement le dos. Pensons à la question du protectionnisme européen défendue par Emmanuel Todd ou Jacques Sapir. Alors que le libre-échange est en train de désindustrialiser l’Europe, on ne peut pas rester les bras ballants sous couvert d’esprit d’ouverture, d’engagement européen ou de bons sentiments. On inviterait ici à la lecture des travaux de Régis Debray sur la nécessité pour toute communauté de se fixer une clôture. La limite est également une bonne entrée pour repenser la notion de croissance économique.

Qu’il est rafraichissant de voir fleurir des prises de position pour instituer un salaire maximum (pas encore de dirigeants socialistes mais gardons espoir…) d’entendre ces objecteurs de croissance lutter contre cette société de consommation autodestructrice. Pas de bonne conscience «bobo-écolo» ici mais une ferme envie d’inverser le sens de la machine. Leur décroissance ne devrait-elle pas être l’autre mot de notre socialisme? Comment ne pas terminer ce si rapide panorama sans morale socialiste. Le gros mot est lâché. Pourtant de Jaurès à Orwell, la morale ne faisait pas peur, au contraire, comme le montre la common decency, ce socialisme concret pratiqué par les milieux populaires, fondée sur des valeurs très simples (honnêteté, refus de la concurrence, convivialité) et revisité par Jean-Claude Michéa.

Revenir à la maison, c’est retisser les liens avec notre histoire socialiste. Seule la relecture des pères du socialisme nous permettra de remonter la pente car l’histoire nous a appris que les modernes sont ceux qui savent redonner de l’actualité au passé. La Renaissance du socialisme que nous voulons passe par là. Une fois ce travail intellectuel engagé, quand la maison socialiste ne sera plus la maison fantôme, quand ses actuels locataires n’auront plus honte de leurs devanciers, alors il sera plus facile de l’ouvrir à nos partenaires car le socle idéologique permettra toutes les fondations. On ne construit pas des châteaux sur du sable. Qui souhaiterait que la maison commune de la Gauche ressemble à une paillotte ?

Source : http://www.mediapart.fr/club/edition/article/140809/socialistes-revenez-la-maison

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