Dans quelques jours, Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, va conclure les Assises des territoires ruraux. Ce grand débat sur la ruralité en France s’est déroulé depuis le mois d’octobre dernier dans l’ombre du débat sur l’Identité nationale. Avec ici moins de tapage médiatique, le résultat risque d’être le même : beaucoup de bruit pour rien. Plein de bonnes intentions, Michel Mercier n’a cependant pas les moyens de sa politique. Ces assises de la ruralité n’auront été qu’un supplément d’âme pour un gouvernement qui n’en a plus depuis qu’il a décidé de maintenir, en pleine crise économique, son « bouclier fiscal ».
Croyant certainement le monde rural acquis à sa cause, le gouvernement essaie de masquer ses choix politiques : toujours plus à ceux qui ont déjà trop et rien pour ceux qui ont de moins en moins. Aujourd’hui, il est plus que temps de construire ensemble un « bouclier rural », c’est-à-dire un projet politique absolument contraire au bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy. La gauche doit se saisir de cette question et comprendre que des pans entiers de notre pays sont en train de décrocher socialement. Un véritable « exode urbain » se fait jour car la campagne accueille de plus en plus de populations urbaines qui ne peuvent plus se payer le « luxe » de loyers toujours plus chers en ville. Ainsi, les près de 20% de la population qui résident dans le monde rural se situent en dessous des moyennes nationales en matière de revenu, de qualification et d’emploi. Cet espace compte plus de personnes âgées, plus d’ouvriers et d’employés que le monde urbain. La pauvreté y est plus présente et on peut, à bon droit, parler de territoire de relégation sociale. On devrait y toucher, par exemple, plus le RSA qu’ailleurs mais le manque d’information ou le réflexe taiseux de ses habitants fait que beaucoup de bénéficiaires n’en profitent pas. Cette situation a été très justement évaluée par un récent rapport de l’IGAS… qui n’a pas été repris, sauf exception, dans la presse nationale.
Heureusement, notre pays dispose encore d’élus locaux qui tentent de sortir de l’oubli la situation du monde rural. Parmi les nombreuses initiatives locales, on peut citer les députés Lassalle et Chassaigne qui ont lancé un appel pour des états généraux des campagnes françaises ou le conseiller général de la Nièvre Fabien Bazin qui, le premier, a dressé la liste de ce qui pourrait devenir un véritable bouclier rural. Ces initiatives méritent d’être plus largement rendues publiques et coordonnées afin de construire un grand projet national pour le monde rural. La première des dimensions à prendre en compte concerne bien évidemment les services publics. Comment ne pas exiger aujourd’hui un moratoire sur la suppression des services publics ruraux ? Il faut que cesse le démantèlement des services de l’Etat à la campagne : hôpitaux, maternités, écoles, bureaux de poste, perceptions, gendarmeries…etc. Mais il faut aussi donner les moyens à cet espace de se développer économiquement afin que se réduisent ces déplacements pendulaires de plus en plus longs entre lieux de résidence et de travail. Parmi les mesures à prendre, la plus symbolique et une des plus utiles serait la couverture totale de notre pays en fibre optique qui puisse apporter partout, dans chaque foyer et dans chaque entreprise, grande ou petite, le haut débit. Pourquoi ce qui a été réalisé pour l’électricité après la deuxième guerre mondiale ne serait plus possible dans le France du XXIe siècle ?
Face à la crise, la nouvelle droite révèle son véritable visage. Loin de la droite d’hier qui savait s’appuyer sur la campagne, la droite néolibérale d’aujourd’hui est au service des « gagnants », ces catégories supérieures qui vivent entre les centres urbains, les aéroports et les grands hôtels du monde entier, une catégorie totalement coupée du territoire et presque déracinée. Méprisée par des élites qui agitent en toute bonne conscience une taxe carbone qui serait surtout une taxe anti-rurale, délaissée par cet archipel métropolitain et ultra-riche, la France rurale ne peut se tourner que vers la gauche qui l’a trop longtemps oubliée. Il est encore temps d’apporter des réponses politiques à cette fracture territoriale et sociale qui se creuse continuellement entre ces deux Frances.
Pour orienter le débat public vers cette question fondamentale, un site internet vient d’être lancé qui s’intitule « Vers un bouclier rural ». Il vise à rassembler tous les outils d’analyse sociologiques, démographiques et économiques qui permettent de mieux comprendre le monde rural. Il recensera également les actions locales et les propositions qui émergeront pour renforcer la protection des habitants de la campagne. Nous avons besoin de rassembler toutes les bonnes volontés, le monde rural en a besoin !
Jean-Philippe HUELIN, coauteur du livre « Recherche le peuple désespérément » (Bourin éditeur) et animateur du site « Vers un bouclier rural ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire