On a les Rubicon qu’on peut et, pour François Hollande, Clichy-la-Garenne (« socialiste depuis un siècle » !) demeurera le sien face aux légions strauss-kahniennes. Le député de Corrèze s’est donc pleinement lancé mercredi soir dans la bataille pour les primaires. Impossible pour lui maintenant de faire machine arrière et de se retirer en négociant des places avec l’exilé de Washington. Oubliée sa vocation de comique troupier qu’il a pu développer à loisir naguère à la tête du PS : le nouveau Hollande est amaigri et sérieux, presque ennuyeux. Il a des propositions à faire pour la France. Prenons-le au mot et examinons…
Des propositions qui oublient les questions essentielles de notre époque
Son projet est fondé sur trois axes : la jeunesse, des impôts justes et le travail. Se côtoient donc « contrat de génération » permettant aux plus jeunes comme aux plus vieux de rester actifs avec des aides publiques, fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG et nouvelle démocratie sociale sur fond de participation… Sur ces sujets, on nous dit que le candidat a beaucoup travaillé, loin du tapage médiatique, entouré d’experts, avec sérieux.
Décidément, il y a un passé (passif ?) que le clan hollandais veut à tout prix faire oublier. On serait tenté d’y croire si le nouveau Hollande ne maitrisait pas l’art de l’esquive aussi bien que l’ancien Hollande l’art de la petite phrase.
Où est-il question de la mondialisation néolibérale, de la désindustrialisation de notre pays (voir le récent rapport du sénateur Bourquin) et des éventuelles solutions dans un protectionnisme européen qui érigerait des écluses sociales et environnementales aux importations venues du grand large ? Serait-ce les « vents dominants » qui effrayent l’ex-deloriste ? Et on ne parle même pas de la question de l’euro… Comme si les grands débats n’allaient pas être au centre des primaires ni de l’élection présidentielle, le candidat Hollande semble délimiter le champ du discutable et du non-discutable. Quand on a renoncé à mener des politiques budgétaires, monétaires et industrielles, on en est effectivement réduit à gérer les conséquences de la mondialisation néolibérale d’où les trois fameux axes de la campagne hollandaise.
DSK et Hollande : un renoncement commun
Il y avait donc, avec Dominique Strauss-Kahn, le renoncement assumé au socialisme sous label Washington, capitale de la finance mondiale, il y a aujourd’hui le renoncement patelin et biaisé à la mode de chez nous. Finalement, le Corrézien Hollande c’est Chirac moins la flamboyance. Il ne reste donc que le « petit père Queuille » celui qui théorisa l’évitement des problèmes.
En réalité, s’il monte dans les sondages, c’est certainement parce qu’il incarne le mieux le PS d’aujourd’hui. Après avoir organisé un long coma idéologique de dix ans comme fondé de pouvoir de Lionel Jospin (1997-2007), François Hollande est aujourd’hui l’incarnation du « socialisme municipal » qu’il a fait naître, celui qui gagne les élections locales pour éviter de vouloir changer le monde. Dans ces primaires, le candidat Hollande sera le chef anesthésiste d’une gauche aux idées étriquées et aux rêves qui se limitent à l’Élysée et l’Assemblée. Un moindre mal sans doute…
Jean-Philippe Huelin, Atlantico.fr, 29 avril 2011
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