mardi 10 novembre 2009

Identité nationale : le Code n'est rien sans le glaive


Coauteur du livre « Recherche le peuple désespérément » (Bourin éditeur), Jean-Philippe Huelin se livre ici à une défense de la Marseillaise, le chant de la nation dont il fait distribuer et commenter les paroles en classe lorsque le révolution française est au programme. En mobilisant Renan et Jaures.

A la veille ce jour commémoratif de l’armistice de 1918 et alors que s’engage un débat national sur l’identité de la France, le Jurassien que je suis se demande si l’un de nos symboles nationaux, la Marseillaise, œuvre du Lédonien Rouget de Lisle, n’est pas le meilleur indicateur de l’état de notre « esprit national ».
Avant d’en venir là, permettez-moi quelques mots sur cet étrange débat à propos de l’identité nationale. Je m’étonne d’abord qu’un ministre puisse « imposer » aussi facilement un « débat public » qui ne semble guère rendu nécessaire par l’actualité immédiate. Passons… une fois de plus, en Sarkozie, le « faire-savoir » est cousin du « se faire voir ». Sur de telles bases, il est à craindre que tout débat soit vicié ; la manipulation politicienne est trop visible à quelques mois d’élections régionales qui ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices pour l’UMP.

Sur le fond, la question de la nature de notre identité nationale a été tranchée à la fin du XIXe siècle par Ernest Renan lors de sa fameuse conférence publiée sous le titre « Qu’est-ce que la nation ? » Dans sa réponse, Renan défend une conception citoyenne de la nation qui est pour lui un « principe spirituel » s’appuyant concomitamment sur un héritage commun et un « vouloir vivre ensemble ». Par là, il construit une conception opposée à la vision allemande de la nation qu’avait défendue Fichte au début de ce même siècle et qui avait une nature plus essentialiste et fondée sur le sang. Le débat me semble clos… sauf pour ceux qui ont peut-être le « vouloir vivre ensemble » mais pas l’héritage commun, c’est-à-dire les populations immigrées ou issues de l’immigration récente. Si c’est là-dessus que certains veulent faire porter le débat, alors il s’agit d’un débat sur l’intégration.

Il ne me semble alors pas du tout surprenant qu’à l’heure où l’on chante partout, de la droite libérale à la gauche boboïsée, les vertus de la diversité (nouvelle bannière des élites médiatisées et mondialisées), se pose la question de l’appartenance à une nation. C’est d’autant plus difficile de s’intégrer à une nation pour les immigrés que les élites nationales daubent en permanence l’idée de nation. Or il clair que pour appartenir il faut chercher du commun, du lien. Contre l’atomisation du tout-individuel, la nation doit être un refuge où peut s’épanouir ce qui nous rassemble ; si ce n’est pas l’histoire, ce peut être des principes, des valeurs, des moments, des commémorations, des symboles, des chants…

Nous arrivons donc à notre Marseillaise. On peut toujours en lire les paroles ou la chanter seul mais sa force est dans le chœur et les cœurs qui se réunissent pour la chanter. Chant de guerre, elle est un cri de défense d’un « nous » contre un « eux ». Il est primordial de le rappeler. Sans l’armée de l’an II, pas d’application des droits de l’homme et du citoyen. Le Code n’est rien sans le Glaive. La Marseillaise est l’expression populaire de cet élan civique qui promeut la nation comme acteur de l’Histoire.

A cet égard, on comprend mieux que, dans une France que d’aucuns veulent apaisée et presque endormie, les paroles de ce chant guerrier puissent écorcher des oreilles devenues trop sensibles. Que certains, par provocation, entrainement ou aveuglement, la sifflent parfois lors de certaines rencontres footballistiques n’est qu’un des signes de sa vitalité. En tant que professeur d’histoire-géographie, je peux témoigner que je tiens tout particulièrement à distribuer et à commenter les paroles de la Marseillaise lorsque le programme met au menu la Révolution française. Cela me semble tout à fait profitable car l’amour de la patrie n’est jamais que l’accomplissement d’un parcours de connaissances et d’émotions de chaque individu à qui l’on apprend à s’élever au rang de citoyen. Je pense que la Marseillaise participe toujours pleinement de cette ambition, tout du moins le devrait-elle.

Enfin terminons par une citation de Jean Jaurès. A certains de ses adversaires qui essayaient d’opposer le chant socialiste de l’Internationale et la patriotique Marseillaise, Jaurès ne contourne pas l’expression tant décrié de « sang impur (qui) abreuve nos sillons » et il écrit : « Oui, c'est une parole sauvage. Et pourquoi donc la Révolution l'a-t-elle prononcée ? Parce qu'à ses yeux tous les hommes qui consentaient, sous le drapeau de leur roi et de leur pays, à lutter contre la liberté française, espoir de la liberté du monde, tous ces hommes cessaient d'être des hommes ; ils n'étaient plus que des esclaves et des brutes. (…) Quand la patrie, maniée par les tyrans, devient un instrument de servitude contre l'humanité, l'indiscipline, la révolte, la désertion deviennent l'obligation première : voilà ce que la Révolution française, voilà ce que La Marseillaise crient à tous les soldats du monde.»

Jean-Philippe Huelin - militant PS | Mardi 10 Novembre 2009
http://www.marianne2.fr/Identite-nationale-le-Code-n-est-rien-sans-le-glaive_a182723.html

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