mercredi 22 décembre 2010

Bouclier rural : le coucou UMP ne fait pas le printemps de la ruralité

Les députés UMP s'adonneraient-il impunément au plagiat ? Selon Jean-Philippe Huelin, militant socialiste, la majorité en manque d'inspiration, se serait permise de piocher dans le projet du PS pour reprendre à son compte l'idée du «bouclier rural». Mais, les élus locaux de gauche eux ne se laisseront pas plumer de la sorte.

L’idée du « bouclier rural » est née dans l’esprit d’élus nivernais en 2009. Face aux provocations du Président Sarkozy et de son enfant chéri, le « bouclier fiscal », qui donnent toujours plus à ceux qui n’en ont déjà que trop, ces élus locaux ont soumis un texte au Conseil Général de la Nièvre (qui l’a approuvé à l’unanimité). Puis, cette proposition s’est enrichie d’un travail collectif intense et créatif au cours de l’année 2010 qui a donné naissance à une note publiée par le Laboratoire des idées du PS. Finalement, les principales propositions du « bouclier rural » ont été reprises par la convention nationale du PS sur l’égalité réelle qui a été approuvée par les militants début décembre.

Que la gauche se passionne pour les campagnes, voilà qui en était trop pour certains députés UMP ! On ne doit pas piquer le joujou de ces messieurs, même s’ils desservent en permanence les intérêts du monde rural en suivant aveuglement la politique inégalitaire de Nicolas Sarkozy. Les plus malins ont essayé de récupérer a posteriori le concept (Yannick Favennec, Mayenne) ou de monter à la va-vite un groupe « Droite rurale » à l’Assemblée nationale (Pierre Morel A l’Huissier, Lozère), les plus bégueules ont crié à la supercherie (Jean Auclair, Creuse). Face à la panique de ses partisans ne sachant plus comment aller défendre leur cher président en 2012, l’UMP ne peut plus pratiquer son bonneteau traditionnel à l’égard des campagnes. Elle passe donc au plagiat en bande organisée. Quand on ne sait plus quoi dire, on vole les idées des concurrents. Preuve que les idées nouvelles naissent aujourd’hui à gauche !

C’est ainsi que l’on retrouve sur le site de l’Assemblée nationale une proposition de loi déposée sans pudeur ce 20 décembre par une armada d’élus ruraux UMP sur les « investissements et les services dans les territoires ruraux ». L’exposé des motifs est hallucinant : « L’instauration d’un « bouclier rural », grâce à une loi d’orientation sur les investissements et les services dans les territoires ruraux, dans laquelle plusieurs mesures concrètes seraient inscrites, afin de faire de la ruralité un atout pour la France paraît aujourd’hui nécessaire ». A 180° des choix faits depuis 2002 ! Bref, par un tour de passe-passe qui risque fort de faire un flop, ces élus tentent de masquer leur propre bilan bien maigre pour les campagnes françaises : du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite (véritable saignée pour les services publics ruraux), aux annonces jamais transformées pour un plan d’aménagement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire, en passant par les cartes scolaire, hospitalière, judiciaire, militaire… sans oublier la « réforme » des collectivités territoriales. Nous en oublions nécessairement. Certes, personne n’a le monopole du monde rural qui a besoin d’avocats ardents et de bâtisseurs sincères venus de tous les horizons, mais la cause est entendue : les pyromanes ne seront jamais les meilleurs architectes !

Face à la malhonnêteté intellectuelle érigée en doctrine de gouvernement, le PS n’entend pas reculer. Le monde rural a besoin d’investissements (concrets ou symboliques) de la part de la gauche, tant la droite a rompu l’égalité territoriale pourtant au fondement de notre République. La nouvelle société urbaine défendue par le PS va de pair avec le développement de la ruralité moderne. Poursuivant cette offensive pour revitaliser les campagnes, nous présenterons à l’Assemblée Nationale dans les prochaines semaines une proposition ambitieuse et innovante, tenant réellement compte de la situation des territoires ruraux.

D’ores et déjà, nous donnons rendez-vous à tous les promoteurs de la ruralité moderne le 5 février prochain à Guéret, dans la Creuse, pour débattre du bouclier rural ! Nous préférons l’original à la copie. Si un coucou UMP ne fera pas le printemps, l’alouette socialiste ne se laissera pas plumer !

Christian PAUL, député de la Nièvre, président du Laboratoire des idées
Michel VERGNIER, député de la Creuse
Olivier DUSSOPT, député de l’Ardèche
Fabien BAZIN, conseiller général de la Nièvre
Philippe BAUMEL, vice-président du conseil régional de Bourgogne
Nicolas SORET, président de la communauté de communes de Joigny
Jean-Philippe HUELIN, militant socialiste dans le Jura et animateur du site « Vers un bouclier rural »

Marianne2, Mercredi 22 Décembre 2010

lundi 6 décembre 2010

Invitation de la section "Lucie Aubrac" du 13e arrondissement de Paris


Je participerai avec grand plaisir aux travaux de la section socialiste "Lucie Aubrac" du 13ème arrondissement de Paris, ce mercredi 8 décembre à 20h au Fiap, 30 rue Cabanis dans le 14e arrondissement (métro Glacière ou Saint-Jacques).

Cette réunion aura pour thème :
Quels débouchés aux mouvements sociaux ?
Le PS est-il en phase avec le peuple de gauche ?

J'y interviendrai pour parler de "Recherche le peuple désespérément" en compagnie de Malek Boutih qui est également convié.

mercredi 17 novembre 2010

Matinée de réflexion sur le "bouclier rural"

Organisée par l'Union des Elus Socialistes et Républicains de Saône-et-loire en partenariat avec le Laboratoire des Idées du Parti Socialiste, cette rencontre, ouverte à tous les citoyens qui le souhaitent, aura lieu le samedi 4 décembre 2010 à Sanvignes.

PROGRAMME

Accueil café : 9h30

9h45 : Accueil par Jean-Claude LAGRANGE Maire de Sanvignes et Jérôme DURAIN, Premier Secrétaire fédéral du Parti Socialiste

10h00 - 11h30 Table ronde n°1 : « Sortir des mythes : la réalité des difficultés des mondes ruraux »

Nos communes rurales sont les grandes ignorées des médias nationaux. Soit elles sont traitées sous l’angle du folklore soit elles disparaissent d’un journal télévisé qui devient celui d’une France qui n’existe pas. Pourtant les difficultés des zones rurales existent. Un rapport de l’IGAS les a mises en évidence (septembre 2009). Qui explique que les mondes ruraux sont, désormais, les principaux mondes industriels ? Dans cette table ronde, les intervenants s’efforceront de clarifier les enjeux, à la fois nationaux pour les 11 millions de ruraux, et propres à la Saône-et-Loire…

Modérateur : Gaël BRUSTIER animateur du Laboratoire des Idées de la Fédération PS

• Paul VANNIER & Gatien ELIE, géographes.
• Sébastien VIGNON, Chercheur au CURAPP, Université d'Amiens
• Jean-Philippe HUELIN, animateur du site « Vers un bouclier rural »
• Christian BONNOT, Conseiller Général
• Christian PAUL, Député de la Nièvre, Président du Laboratoire des Idées du Parti Socialiste

Débat avec la salle

11h30 - 12h45 Table ronde n°2 : « La ruralité à l’offensive : expériences et actions pour mieux défendre nos campagnes. »

Les élus socialistes sont en première ligne dans la défense des territoires ruraux… Du maintien d’une activité économique au développement des réseaux susceptible de favoriser le développement local, leurs expériences méritent d’être exposées et confrontées…

Modératrice : Sophie CHARRIERE, Adjointe au Maire de Cluny

• Edith GUEUGNEAU, Vice-Présidente du Conseil Régional, Président de la CC du Canton de Bourbon.
• Philippe BAUMEL, Vice-Président du CRB et de la CCM, Vice Président de la FNESR
• Marie-Odile MARBACH : Présidente de la CC de La Guiche
• Jean PIRET, Maire de Suin, Vice-Président du Pays Charolais
• Fabien BAZIN, Maire de Lormes

Débat avec la salle

12h45 : Conclusion : Christian PAUL, Député, Président du Laboratoire des Idées

http://www.ps71.org/SAMEDI-4-DECEMBRE-MATINEE-DE-REFLEXION-SUR-LE-BOUCLIER-RURAL-A-SANVIGNES_a407.html

jeudi 4 novembre 2010

11 millions de ruraux ont zappé Sarkozy. Que fait la gauche ?

Courtisé durant la campagne présidentielle par l'UMP, le monde rural a massivement voté pour Sarkozy. Depuis, ce secteur est laissé en friche par le parti présidentiel qui tente de renouer avec cet électorat via une droite rurale. La gauche, quant à elle, ne semble pas prendre la mesure de l'enjeu du vote rural. Pour Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, auteurs de « Recherche le peuple désespérément », l'ignorer relève du «suicide politique».

Il est assez cocasse de voir se former à l’Assemblée Nationale un groupe de députés étiqueté « Droite rurale » sous l’impulsion du député UMP de Lozère Pierre Morel-A-L’Hussier. Plus cocasse encore de lire que ce groupe entend défendre, entre autres, les services publics en milieu rural. Ont-ils donc dormi depuis 2002 pour ne constater qu’aujourd’hui que leur propre camp s’est ingénié à détruire les services publics partout et surtout à la campagne ? Cette initiative vise autant à tenter de masquer les effets désastreux de l’action du pouvoir sur le plan économique et social sur le monde rural que de lutter contre le calamiteux bilan symbolique de l’action présidentielle qui heurte les forces traditionnellement conservatrices d’une partie des campagnes. Il révèle surtout que le monde rural représente aujourd’hui un enjeu stratégique essentiel pour 2012, ce que la gauche pourrait enfin comprendre…

Les zones rurales souffrent de l’image que véhiculent un certain nombre de représentations figées. Pour beaucoup de commentateurs, de prétendus analystes politiques, d’hommes politiques de gauche ou de droite (comme Monsieur Copé au soir des élections régionales), la « ruralité », c’est d’abord « vaches + tracteurs + jolis paysages ». Equation fausse qui mène tous ceux qui la suivent au désastre électoral dans ces zones. En vérité, le monde rural compte 11 millions de Français soit 20% de la population métropolitaine et certainement un peu plus de l’électorat potentiel ou de l’électorat qui se déplace effectivement aux urnes. Comme le soulignait un rapport de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) de septembre 2009, les zones rurales concentrent des problèmes sociaux majeurs. En zone rurale, 35% des actifs sont des ouvriers, souvent les plus précaires et les premiers frappés par les délocalisations. Seulement 8% sont des agriculteurs. Il existe une jeunesse ouvrière et une jeunesse précaire en milieux ruraux, ainsi que Nicolas Renahy, sociologue et auteur du lumineux ouvrage « Les gars du coin » (La Découverte, 2005) l’a démontré.

Rappelons que la France périphérique, rurale ou périurbaine, avait voté Nicolas Sarkozy en 2007. Comme l’analysait Jérôme Fourquet : « Le candidat UMP obtient 32,5 % des voix en moyenne nationale, mais 36 % dans les campagnes, alors que Ségolène Royal, qui est à 27 % en moyenne nationale, ne recueille que 21 % dans l'électorat rural. » Le phénomène se retrouve au second tour : Nicolas Sarkozy obtiendrait 58 % du vote rural, contre 52 à 53 % en moyenne nationale. Une ébauche de redressement des scores de la gauche dans ces régions a été opérée en particulier grâce à une hausse du vote ouvrier pour le candidat socialiste entre 2002 et 2007

Ignorer l'électorat rural relève du suicide politique

Le Parti Socialiste, par la voix d’un certain nombre des siens et au premier rang desquels Christian Paul, député de la Nièvre, a œuvré à élaborer un « bouclier rural », thème forgé depuis plusieurs mois par des militants et des élus socialistes ruraux et qui est d’ailleurs repris dans la prochaine Convention programmatique consacrée à « l’Egalité réelle ». Une véritable « Gauche rurale » est en train de s’organiser. Mais aussi pertinent soit-il, ce « bouclier » ne peut être que la première pièce d’un arsenal stratégique destiné à conquérir dans la durée des zones qui ne sont plus dévolues à la seule droite. Cette France périphérique s’exprime de plus en plus, les récents succès des manifestations locales contre la réforme des retraites l’ont prouvé.

Pour l’anecdote, en ce lendemain d’élections de mid-term aux Etats-Unis, l’intérêt porté par les deux partis américains à la jeunesse rurale s’est concrétisé par une bataille stratégique portée par l’un et par l’autre des camps. Reagan avait fait des suburbs (résidence pavillonnaires entourées de jardins visibles dans les banlieues périphériques des villes aux Etats-Unis, ndlr) le foyer de sa révolution conservatrice « grassroots », c'est-à-dire « par la base ». Les Démocrates se battent, à l’image d’un de leurs stratèges Ruy Teixeira, depuis plusieurs années pour conquérir l’électorat rural, en particulier dans le Colorado mais aussi dans d’autres Etats comme la Pennsylvanie (centrale) ou l’Ohio... Ignorer, chez nous, cet enjeu relèverait du suicide politique. Cette discrète initiative de la « droite rurale » peut permettre à la gauche française de ne pas se tromper.

Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin - Tribune | Jeudi 4 Novembre 2010
http://www.marianne2.fr/11-millions-de-ruraux-ont-zappe-Sarkozy-Que-fait-la-gauche_a199260.html

jeudi 28 octobre 2010

Fracture scolaire et sociale : la France des métropoles contre la France périphérique


La France «périphérique» a de quoi se révolter: fractures territoriales, fracture scolaire, forte désindustrialisation… Autant de dénominateurs qui poussent leur population à condamner la réforme des retraites. La preuve, pour Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, co-auteurs de « Recherche le peuple désespérément », d'un profond malaise social.

En pleine crise sociale, sans doute est-il utile de revenir à quelques causes structurelles de ce malaise. A y regarder de près, la France « périphérique », celle qui concentre ouvriers et employés, a manifesté en masse : 10 000 personnes à Belfort, 3 000 à 4 000 au Creusot, des villes industrielles où la conscience de la concurrence internationale est, plus qu’ailleurs, aiguë. Le prompt renfort des lycéens et étudiants a donné aux manifestations une autre dimension. La colère des Français est à la confluence de plusieurs phénomènes : la désindustrialisation, le déclassement, la précarité, la peur de l’avenir composent un mélange explosif dont nous peinons à mesurer les effets. Les manifestations lycéennes, si structurées que puissent l’être des manifestations de jeunes de 17 ans, traduisent quant à elles une source d'angoisses, voire un rejet des inégalités scolaires, révélées par un ouvrage intitulé « Atlas des Fractures scolaires en France » (Autrement, septembre 2010) co-écrit par deux géographes, Patrice Caro et Rémi Rouault. Ce travail complète la compréhension que l’on a pu acquérir de la géographie sociale française grâce à Christophe Guilluy et Christophe Noyé et leur « Atlas des nouvelles fractures sociales » (Autrement, 2005). On ne sait si le gouvernement a bien pris la mesure de l’explosion de ces inégalités scolaires qui rendent de moins en moins supportable un chômage des jeunes de moins de 25 ans de l’ordre de 24%.

On le sait, le débat sur l’éducation est empreint de la querelle entre pédagogies constructivistes et tenants d’un structuralisme plus enclin à voir dans la transmission des savoirs et le rôle du magister l’une des clés pour faire progresser l’école de la République. Si cette question demeure essentielle, il ne peut être question de se dispenser d’une analyse géographique de la question scolaire en France. Celle-ci fait apparaître que les difficultés économiques et sociales de la France périphérique sont doublées par d’évidentes difficultés scolaires. Les fractures spatiales et sociales du territoire sont ainsi, à l’évidence, combinées à d’importantes fractures scolaires. N’est-ce pas là qu’il faut chercher les causes du malaise estudianto-lycéen et de la radicale colère d’un grand nombre de Français ?

Certaines cartes de cet atlas illustrent ces inégalités scolaires. Pourquoi réserver les sections européennes à certains établissements des centres-villes ? On connaît mieux aujourd’hui le « délit d’initiés » de certains qui choisissent les langues de leurs enfants pour maintenir un « entre-soi » social, gage, croient-ils, de réussite scolaire. Autre (bon) exemple, le chinois, langue de la puissance démographique et économique, n’est enseigné que dans quelques métropoles. On comprend évidemment que le manque d’enseignants ne permette pas une allocation égalitaire des postes, mais il est remarquable de constater que les lycéens de la France périphérique sont totalement privés de l’apprentissage d’une langue qui risque de devenir discriminante. Privez la France périphérique d’enseignement du Chinois et nos commerciaux de 2020 seront le fruit d’une reproduction sociale comme rarement il y en a eu. Le latin, lui-même, décrié comme élitiste, demeure l’une des options choisies pour accéder à des formations « d’élites » par beaucoup de lycéens de province (en particulier dans le Sud-Ouest). Cassez le latin et vous augmenterez les inégalités. On pourrait multiplier les exemples liés aux sorties précoces du système scolaire, aux inégalités devant l’obtention des diplômes, au chômage des jeunes diplômés. Notre école fonctionne à deux vitesses. La France aussi. Et c’est ce qui explique la force du mouvement social, salarié, étudiant ou lycéen, dans la « France périphérique ».

La géographie sociale et scolaire de notre pays aide à mieux comprendre comment la société française réagit à une réforme comme celle des retraites. Que des lycéens de 17 ans manifestent pour la retraite à 60 ans traduit moins leur souhait d’atteindre rapidement la retraite que leur angoisse de ne pouvoir accéder au monde du travail. La France est, dans son ensemble, traumatisée par la désindustrialisation massive du pays, dont le libre-échange est une des causes majeures. Elle l’est tout autant par le chômage des jeunes qui a atteint un taux record. Elle l’est par le déclassement, qui sape les fondations de l’édifice républicain. En ce sens, les lycéens et étudiants n’ont pas besoin d’être « manipulés » par les syndicats ou les partis. Ils sont le simple reflet d’un malaise social.

Jusqu’ici, la droite avait le quasi-monopole de la définition de l’imaginaire collectif et parvenait à créer autant de fausses consciences que l’état de la France le demandait. Ce monopole, elle peut le perdre. Mais, pour la vaincre, il faudra à la gauche le soin d’établir un projet alternatif « crédible », c'est-à-dire moins raisonnable qu’inspiré par la raison et la compréhension de la globalisation (dans un contexte de chute programmée du dollar). Ce projet doit en tout domaine définir une nouvelle égalité entre les citoyens pour retisser des liens entre classes sociales qui se tournent le dos de plus en plus, à l’École comme dans la société. Il lui faudra aussi contribuer à bâtir des représentations collectives alternatives à celles véhiculées par la droite. Il y a encore du travail…

Gaël Brustier & Jean-Philippe Huelin - Tribune | Jeudi 28 Octobre 2010
http://www.marianne2.fr/Fracture-scolaire-et-sociale-la-France-des-metropoles-contre-la-France-peripherique_a198992.html

mardi 21 septembre 2010

Conférences avec les Amis du Monde diplo

Ma tournée de présentation de "Recherche le peuple désespérément" reprend. Je serai à Melun, en Seine-et-Marne, le vendredi 19 novembre et à Carcassonne le vendredi 17 décembre.

http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article2764.html

lundi 13 septembre 2010

Classes sociales et nouvelle géographie politique

Voici un texte que j'ai co-écrit avec mon camarade Gaël Brustier et qui vient de paraître dans la dernière livraison de la revue "Utopie critique" .

« Qu’est ce que c’est que cette Gauche qui n’ose plus prononcer les mots classe ouvrière ? » disait André Malraux en décembre 1965. Vieux débat donc. Pour essayer d’objectiver les choses, revenons d’abord à ce que sont les classes sociales dans l’histoire collective du socialisme français dans ses variétés. Penchons-nous sur la mutation géographique de ces classes sociales pour comprendre ce qu’est la France d’aujourd’hui. Essayons, enfin, d’appréhender au mieux la réalité de la géographie électorale française.

Classes sociales, lutte des classes et socialisme

Longtemps la lutte des classes a été au centre de la vision et de la pratique de l’histoire des socialistes. C’est d’abord, rappelons-le, la situation d’un groupe dans le procès de production qui définit une classe sociale. Schématiquement, on distinguait à l’origine : bourgeoisie, prolétariat et propriétaires terriens. Le volume III du Capital introduisait déjà une autre dimension à la notion de classe sociale : celle du type de moyen de productions utilisé. Par ailleurs, les critères économico-politiques, hautement dépendants de la psychologie collective d’un groupe, laissent apparaître encore une distinction entre la classe conscientisée, la classe pour soi, et la classe « en soi ». Cette analyse marxienne est évidemment fondamentale mais on aurait tort d’en rester là.

Norbert Elias l’a démontré en son temps : il existe une dimension éminemment spatiale des rapports sociaux, de la représentation que l’on se fait de la société et de l’idée que l’on se fait de la place que l’on occupe en son sein. Une même cité ouvrière comportait une hiérarchie implicite fondée, notamment, sur ce qu’Elias définissait comme le capital d’autochtonie. Elias introduisait donc l’idée qu’un groupe ne se définit pas seulement par sa position dans le procès de production mais aussi par la nature des interdépendances entre les hommes dans l’espace.

Les classes sociales ont donc des critères de définition complexes mais en combinant un peu de sociologie marxienne et un zest d’analyse éliassienne, on commence à y voir plus clair. Si l’on y ajoute, une analyse faisant une large place à la géographie sociale, les choses paraissent encore plus évidentes. C’est cette dimension géographique qui semble aujourd’hui déterminante pour redonner du sens à la notion de classe sociale en France.

La nouvelle géographie sociale du pays : un élément essentiel de la mutation des classes sociales

Il y a actuellement en France presque autant d’ouvriers et d’employés que dans les années 1950, pourtant notre pays a changé. La mutation de l’économie mondiale a influencé la localisation de l’activité économique et donc la géographie sociale du pays comme elle a influencé la répartition des revenus. La France est divisée entre des villes-centres et des zones périphériques, c'est-à-dire périurbaines ou rurales . La France des villes-centres, et en particulier Paris, est fortement intégrée à l’économie mondialisée, celle du virtuel, de la finance et des métiers à haute teneur intellectuelle. La France des périphéries est plus industrielle, celle des employés et des ouvriers, la France qui pâtit le plus du libre-échange et de la globalisation financière. Indiquons qu’entre 1995 et 2005, le coefficient de Gini qui mesure le degré d'inégalité et la distribution des revenus dans une société est passé de 0,28 à 0,32, ce qui, d’après les économistes, est loin d’être marginal, la France passant du 15ème au 34ème rang mondial. Double effet donc : géographique et inégalitaire. Les deux sont voués à se cumuler, à se compléter.

Quand on observe les cartes, il est intéressant de constater que les zones dynamiques démographiquement sont les zones périurbaines qui se situent aux marges des aires urbaines et donc hors des agglomérations. Il est intéressant de constater que ce sont celles qui accueillent de manière croissante les ouvriers et les employés. Cela peut surprendre mais c’est une réalité importante de notre société. Il y a en effet un décalage entre la réalité de la géographie sociale française et la construction médiatique de la société française. Un chiffre, souvent cité par le géographe Christophe Guilluy, éclaire une réalité qui échappe trop souvent aux commentateurs : 80% des ménages pauvres n’habitent pas les quartiers d’habitat social de banlieue.

Nous vivons encore à l’heure de « Paris et le désert français » alors que la réalité est tout autre. Plus d’exode rural mais un exode urbain. Quand on regarde les chiffres, la réalité n’est pas si simple : 81% des salaires sont versés dans les pôles urbains qui ne sont pas majoritaires en termes de population. Le fait urbain dense est minoritaire aujourd’hui. Le phénomène d’étalement urbain et d’expansion du phénomène périurbain pèse sur la psychologie collective des Français. Les seules zones périurbaines offrent seulement 12% des emplois mais concentrent à elles seules 22% des salariés. 90% des salariés périurbains quittent leur commune pour aller travailler contre 73% en moyenne nationale. La moyenne parcourue travaillée par un habitant périurbain d’Ile de France est de 29,9km. La moyenne du temps de transport est de 45 minutes. Il y a 10 ans, 14 930 communes périurbaines étaient recensées par l’INSEE. Leur taille moyenne était de…820 habitants. C’est cette France périurbaine qui, avec la France rurale, subit l’essentiel des difficultés sociales dans notre pays. C’est une France souvent de petits propriétaires endettés par l’achat de leur pavillon, c’est une France à la fois de la relégation sociale et de la mobilité imposée. Distances entre lieux de résidence, de travail, d’achalandage et éventuellement de loisirs ne cessent de s’allonger.

La vision commune de la société est le fruit d’une domination intellectuelle et sociale des élites hyper-urbaines concentrées dans ces villes-centres prescriptrices que Jacques Lévy définit comme la « ville-monde ». Ses valeurs sont différentes de celles de la France périphérique mais elles s’imposent à elle. La mobilité y est consentie et valorisante tandis que, dans les zones périurbaines et rurales, elle est subie. L’entre-soi permet ou favorise une reproduction sociale qui bénéficie déjà de la transmission du capital économique, social et culturel. On peut évidemment regarder de près la façon dont la ville a muté. L’apparition du phénomène de gentrification des anciens quartiers populaires a été popularisée par la figure du « bobo ». La ville concentre aujourd’hui bourgeoisie traditionnelle, bourgeois bohèmes et « intellectuels précaires » et… les exclus. A Paris, la proportion d’ouvriers et d’employés était, il y a 40 ans, de 65%. Elle est aujourd’hui de 35% !

C’est la France des villes-centres qui contribue aussi à définir la représentation médiatique de la réalité sociale française. On résume ainsi la question des « quartiers populaires » aux banlieues situées dans l’immédiate proximité des villes-centres. Pour l’imaginaire centre-urbain, le peuple s’est réincarné dans l’habitant des banlieues ou dans l’exclu, non dans l’ouvrier ou l’employé périurbain et rural. Le vocabulaire ne trompe pas : on parle de « quartiers populaires » non pour parler des zones périurbaines mais pour parler exclusivement des cités d’habitat social aux marges immédiates des villes-centres. Soulignons par exemple que « le jeune » ne peut plus être que « de banlieue » or on néglige qu’un tiers de la jeunesse française est rurale. Cette jeunesse a ses problèmes, subit des formes de violence, et est la première victime de cette première cause de mort chez les jeunes et qui est une mort violente : les accidents de la route . Les processus sociaux qui l’expliquent laissent, quand ils sont objectivés, tout de même planer un doute : et si ces attitudes suicidaires nous révélaient plus sur notre propre société que bien des sifflets dans des stades ou des voitures brûlées ?

On le voit, à la question de la place que l’on occupe dans le procès de production s’ajoute une dimension spatiale évidente. On le sait depuis les années 80 et certains travaux sociologiques nord-américains qui l’on pointé : la dimension géographique influe sur la psychologie collective et, nous le verrons, sur le vote. Le développement des suburbs américains a été le moteur de la droitisation des Etats-Unis et de la victoire de Reagan en 1980. De la même façon, la France périphérique vit une mobilité imposée qui fait voler en éclats le capital d’autochtonie et en même temps une part du lien social. Cette réalité semble parfois ignorée, elle est pourtant déterminante. C’est là que se concentre à la fois l’angoisse économique, l’angoisse sociale et que les citoyens ressentent le plus durement une crise du lien social. Il nous faut donc nous pencher sur les conséquences électorales pour voir si l’on peut établir une corrélation entre cette nouvelle géographie sociale et la géographie électorale française.

Les classes sociales et le vote : le poids de la France périphérique

Avant tout, rappelons qu’en 2002, le candidat du PS a obtenu 11% des voix des ouvriers et 13% des voix des employés. En 2007, la candidate du PS perd parce que la France périurbaine et la France périphérique industrielle ont préféré voter pour le candidat Sarkozy. Le PCF avait, quant à lui, obtenu 1% des voix ouvrières en 2002.

En 2005, la carte des résultats du référendum sur le TCE laisse apparaître deux France qui recoupent parfaitement la nouvelle géographie sociale française. Les études le mettent en évidence : le vote au référendum est d’abord une question de rapport à la mondialisation. Evidemment, on peut émettre l’hypothèse d’un « vote de classe » mais il faut encore ajouter une dimension spatiale aux déterminants du vote. Les plus fortes hausses du « oui » en 1992 et 2005 se situent à Neuilly-sur-Seine, Paris 16ème, Paris 7ème. Lorsqu’une commune comporte en son sein moins de 25% d’ouvriers, elle vote à environ 46% pour le « non ». Lorsqu’elle compte entre 50 et 55% d’ouvriers, elle vote à 63% « non ». Si la commune comporte moins de 500 habitants, elle vote à près de 60% pour le « non ». Si elle comporte entre 501 et 1000 habitants, elle vote à près de 58,77% pour le « non ». Seules les communes de plus de 100 000 donnent le « oui » majoritaire avec 44,05%. Il faut rappeler que les communes périurbaines sont celles qui accueillent ouvriers et employés de manière croissante et qui sont, en moyenne, des communes de moins de 900 habitants. Les ouvriers ont voté, selon les études, entre 70% et 80% pour le « non ». Les employés, entre 60% et 70%. La France qui gagne entre 1000 et 2000 € a voté à 65% « non », celle qui gagne plus de 3000 € a voté à 37% « non ».

A la lumière de ces résultats qui dessinent une France périphérique, d’ouvriers et d’employés, très favorable au « non », on peut émettre l’affirmation que l’espace est politique et qu’il détermine actuellement l’imaginaire autant que les votes. Le « non » est majoritaire parce qu’il est majoritaire de manière écrasante dans cette France majoritaire. Il ne s’agit pas d’émettre un jugement normatif sur le scrutin de 2005. Il s’agit simplement de voir comment il traduit de manière objective sur une question, une géographie sociale.

Que s’est-il passé alors en 2007 ? On le sait, à l’origine, le discours de Nicolas Sarkozy fait de néolibéralisme et néoconservatisme, de dénigrement de l’Etat, du service public et de notre système social ainsi que d’un pro-américanisme et de velléités d’intervention en Irak ne permettait pas à l’UMP de gagner. Il a permis de souder une droite radicalisée. Mais c’est le deuxième Sarkozy, celui inventé par Henri Guaino, celui qui parle dans les usines et pas celui qui rie dans les friches industrielles, qui a remporté l’élection. Il faut savoir se défaire d’un certain manichéisme électoral qui ferait de l’adversaire un diable. A bien des égards, le confort intellectuel a substitué l’antisarkozysme à l’antilepénisme. Chassons les discours moralisateurs et regardons cet électorat qui a quitté Jean-Marie Le Pen pour Nicolas Sarkozy : on a en effet beaucoup parlé de l’électorat sarko-lepéniste. C’est un électorat plus répartiteur, plus égalitaire que l’électorat UMP classique et…plus jeune et plus masculin. Pour preuve, l’électorat UMP a une opinion plus négative du mot « privatisation » en 2007 qu’en 2002.

Mais c’est, une fois de plus, la dimension géographique qui détermine les ressorts du succès de Nicolas Sarkozy. Là où la candidature socialiste marque le pas, c’est essentiellement dans les zones périurbaines au premier tour et dans la France industrielle du Nord-est au second. Le sud-est et le rivage languedocien basculant dans l’escarcelle UMP par le jeu des transferts FN-UMP. Nicolas Sarkozy réussit à s’emparer du vote des employés et des ouvriers. S’il fait la différence avec le PS c’est essentiellement parce qu’il séduire un électorat populaire féminin. Au premier tour, les ouvrières votent Sarkozy à environ 32% contre 24% pour Ségolène Royal. La France qui donne sa préférence aux candidats contestataires préfère également parmi les grands candidats… Nicolas Sarkozy.

Les banlieues proches des villes-centres ont voté très massivement pour la candidate du Parti Socialiste. Les zones périurbaines ont voté majoritairement Nicolas Sarkozy. Cela pose un problème stratégique qui découle d’une évidence : la classe sociale n’est pas le seul déterminant du vote. Un jeune ouvrier de Montreuil et un jeune ouvrier de La Clayette (Saône-et-Loire) ne votent pas pour le même candidat. Il y a un important déterminant spatial qui est aussi corrélé à des difficultés propres à l’espace périurbain et rural. Il y a aussi le fruit de représentations inversées de l’autre France, celle des banlieues.


Conclusion

Que peut faire la gauche ? D’abord, elle doit cesser de penser en fonction de l’opinion de la sociologie minoritaire des villes-centres. C’est une sociologie dont est issue, nous le savons, l’essentiel de l’encadrement politique du pays, au PS comme dans la « gauche de la gauche ».

La dimension spatiale, la précarisation croissante des ouvriers et des employés, la situation de l’espace périurbain et rural implique de redéfinir un message. Cela suppose d’élargir le débat : il y a en France des discriminations spatiales indifférentes à la couleur de peau mais qui sont le fruit des inégalités territoriales, scolaires entre autres, qui frappent notre pays.

Renouer avec le peuple, penser les mutations des classes sociales, penser leurs priorités, ce n’est pas céder à la démagogie. Je soulignerai que ce que la dernière note de la Fondation Jean-Jaurès nous révèle à propos des préférences sociétales des ouvriers nous permet de rompre avec une certaine « prolophobie ». Les ouvriers ne sont pas plus racistes ou homophobes que la moyenne des Français.

Penser une coalition sociale majoritaire, ce n’est pas penser un catalogue de bonnes intentions visant des catégories de populations. L’aspiration majoritaire de nos concitoyens relève de l’exigence d’égalité et c’est à cet aune qu’ils jugeront les candidats de gauche en 2012.

http://www.utopie-critique.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=217&Itemid=33

Des classes sans lutte ? par Jean-Pierre Garnier

Dans la même revue, une critique de notre livre "Recherche le peuple désespérément".

Longtemps, la lutte des classes a été au centre de la vision et de la pratique de l'histoire des socialistes », affirment d'emblée Gaël Brustier et J.-Ph. Huelin. Rappelons quand même qu'elle est originellement au fondement de la conception matérialiste de l'histoire, et du « mouvement réel qui abolit l'état actuel des choses », c'est-à-dire du communisme tel que l'avait défini Marx. Et que les socialistes ou autoproclamés tels se sont empressés de l'oublier, dans la théorie comme dans la pratique, avant même d'accéder aux responsabilités gouvernementales. En Allemagne, notamment, où la collaboration de classes permettra d'écraser le soulèvement spartakiste. Le nom de Friedrich, Ebert, leader d'un S.P.D. déjà « recentré », devenu chef du gouvernement allemand de l'après-« Grande Guerre », n'est sans doute pas inconnu de G. Brustier et Jean-Philippe Huelin, pas plus que celui de son compère Gustav Noske, grand ordonnateur de l'assassinat de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht, qui avait assumé son exploit par une déclaration passée à la postérité : « II faut que quelqu'un fasse le chien sanglant :je n'ai pas peur des responsabilités. »

« Schématiquement, poursuivent G. Brustier et J.-Ph. Huelin, on distinguait à l'origine : bourgeoisie, prolétariat et propriétaires terriens. » Une distinction en effet assez schématique. Car, outre l'aristocratie terrienne, la bourgeoisie - elle-même décomposée en bourgeoisie financière, industrielle et commerçante - et le prolétariat, Marx, encore lui, distinguait aussi la paysannerie, la petite bourgeoisie et le lumpenprolétariat. Ce qui implique, pour ce qui est de l'analyse des sociétés contemporaines, que l'on tienne compte d'un « troisième larron de l'Histoire », entre bourgeoisie (privée ou bureaucratique) et prolétariat (ouvrier ou employé), dont la fonction est capitale - si l'on ose dire - dans la reproduction des rapports de production capitalistes. Le sociologue Pierre Bourdieu l'appelait la« nouvelle petite bourgeoisie» , bien pourvue en capital scolaire, d'autres, tel son confrère Alain Bihr, la « classe de l'encadrement capitaliste », d'autres encore,telle sa consœur Catherine Bidou, la « classe de services », et moi-même la «petite bourgeoisie intellectuelle ». Classe intermédiaire, médiane ou moyenne, elle est préposée dans la division capitaliste du travail entre dirigeants et exécutants aux tâches de médiation (conception, organisation, contrôle et inculcation).

De fait, il ne s'agit pas tant de « redonner sens à la notion de classe sociale en France », ainsi que l'avancent les auteurs de l'article, que de l'actualiser et de l'approfondir en tenant compte, d'une part, de la recomposition de la structure de classes des sociétés à l'ère du capitalisme transnationnalisé, financiarisé, technologisé et flexibilisé, et, d'autre part, de sa dimension spatiale, trop négligée par la tradition marxiste. Comme l'avait déjà fort justement souligné G. Brustier et J.-Ph. Huelin dans un ouvrage revigorant cette dimension ne peut plus être ignorée, même s'il est permis de manifester quelques réserves quant à son caractère « déterminant ». Sauf, bien entendu, en matière de géographie électorale. Ce qui impliquerait de considérer comme « déterminant » le suffrage universel lui-même pour l'évolution des rapports de classes. Un point de vue que l'on n'est pas obligé de partager.

Cela dit, comme dans le livre qu'ils ont co-écrit, les auteurs mettent à mal une série de lieux communs qui sont autant de contre-vérités, assez répandus dans les médias et même dans les sciences sociales. Ils dérivent d'un postulat : la disparition de la classe ouvrière ou, plus largement et plus précisément à la fois, du prolétariat. Plus largement, d'abord, car celui-ci, comme le remarque G. Brustier et J.-Ph. Huelin après d'autres, comprend les employés subalternes, en augmentation constante, des bien nommés « services » - certains observateurs critiques parlent à leur propos de « néodomesticité ». Plus précisément, ensuite, dans la mesure où l'on ne peut plus parler de classe ouvrière. La conscience de classe qui en était constitutive par la lutte et dans la lutte, selon Marx et les théoriciens fidèles à sa pensée, s'est largement estompée, sans que, pour autant - on a tendance à l'oublier -, celle de l'exploitation ait diminué. Ce n'est pas pour rien que les « racailleux de banlieue » désignent comme « boulot d'esclave » l'emploi précaire et mal rétribué auquel la plupart sont voués !

À l'exploitation, plus évidente que jamais, même si elle s'opère ici et là selon de nouvelles modalités, s'ajoute la relégation résidentielle dont les deux auteurs montrent bien les implications délétères pour ceux qui la subissent. Il aurait pu, néanmoins, se dispenser de reprendre à son compte la notion pseudo-scientifique d'« exclus », mise sur orbite idéologique par la sociologie d'inspiration tourainienne, sans préciser, de surcroît, le type d'individus qu'il range sous cette rubrique, sauf pour signaler qu'ils vivent dans certains quartiers centraux des villes. Il faudrait quelques paragraphes pour déconstruire cette appellation non contrôlée, sinon par les chantres du social-libéralisme . Contentons-nous de signaler que si les laissés-pour-compte de la globalisation étaient véritablement « exclus » de la société, ils ne poseraient aucun problème à ceux qui ont en charge de la « gérer ».

Suite dans Utopie Critique N° 51

Membre au comité de rédaction de notre revue, Jean-Pierre Garnier est urbaniste, sociologue au C.N.R.S., auteur en particulier de Le nouvel ordre local, gouverner la violence, (L'Harmattan, mai 1999) et Des Barbares dans la cité, de la tyrannie du marché à la violence urbaine (Flammarion, 1996.).

http://www.utopie-critique.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=216&Itemid=31

samedi 28 août 2010

De l’armistice à l’unité de la gauche ?

« La guerre des gauches n’aura pas lieu ». C’est le titre de la note publiée par la fondation Jean-Jaurès sous la signature de François Miquet-Marty, président de l’institut de sondage Viavoice. L’analyse ne manque pas d’intérêts. Loin des sondages de popularité qui disent l’air du temps sans dire grand-chose de notre temps, cette étude prend du champ ; elle met en perspective sur plus d’une dizaine d’années l’évolution des galaxies composant la gauche française et défend une thèse : « les univers internes à la gauche apparaissent désormais moins incompatibles qu’ils ne l’étaient. » Le sondeur observe ainsi une certaine conciliation idéologique entre les différentes familles de la gauche qu’il regroupe en cinq peuples : gauche interventionniste, gauche anti-libérale, gauche sociale-libérale, gauche morale anticonsumériste et gauche antisystème et écologiste. On pourrait discuter à loisir cette typologie, préciser les contours assez flous de cette gauche morale et anticonsumériste dont l’égérie serait Ségolène Royal, douter que Daniel Cohn-Bendit puisse être le leader de cette gauche antisystème et écologiste lui qui incarne, plus qu’un autre et depuis quarante ans, le système libérale…tel n’est pas le propos ici. Prenons comme un fait cet état de l’opinion de gauche et essayons de tracer des pistes pour que se rejoignent les aspirations du peuple de gauche et la volonté des partis d’accéder au pouvoir.

Des défaites qui forgent des conciliations

La première observation concerne les registres de conciliation des gauches pointés par l’auteur. Longtemps la gauche a marché sur deux jambes : réforme/révolution, ordre/mouvement, marxisme/républicanisme, socialisme/communisme… Il y a avait à gauche une nécessité toujours renouvelée de dépasser les antagonismes ; cette dialectique hégélienne était l’exercice de style de toute démarche visant à unifier électoralement la famille. Ce moteur dialectique semble bien s’être épuisé depuis les années 1980 et les deux Eglises de la gauche sont devenues des chapelles qui ont gagné en plasticité ce qu’elles ont perdu en fidélité des communiants et en force de frappe politique. Les galaxies se chevauchent, s’entremêlent, leurs contours idéologiques se brouillent et cette nouvelle pluralité un peu brouillonne de la gauche est certainement un des principaux facteurs de ses défaites. Quand les indignations, qu’elles concernent l’état de la société, la dénonciation de la société de consommation ou la nature des pouvoirs, se succèdent sans se coordonner, on a peut-être un rapprochement entre peuples de gauche mais on n’a ni stratégie ni tactique au sommet qui permette la victoire électorale.

Ce qui a rendu possible cette conciliation des gauches doit certainement être recherché dans les défaites électorales et idéologiques de la gauche. Les défaites aux élections présidentielles de 1995, 2002 et 2007 ne reflètent que l’impossibilité de chacune de ses galaxies à combattre seule la droitisation rampante de notre société. Passant de la dialectique à l’équilibrisme et renonçant à s’adresser à la France populaire, celle des ouvriers et des employés, il était bien difficile au candidat socialiste, à qui il échoit cette tâche, de rassembler toutes les gauches sur son nom ou son programme.

Le « Peuple de l’Egalité », le parti de toute la gauche

Face aux défaites et à ce rapprochement idéologique de la base, la question que doivent se poser les responsables politiques de gauche est très simple : comment cette conciliation idéologique peut-elle se pérenniser sans un univers commun à toutes ces galaxies ? C’est la question du rassemblement partisan des forces de gauche qui doit être ici posée. Si plus rien ne sépare fondamentalement ces peuples de gauche, pourquoi conserver les théâtres d’ombres que sont devenus nos partis respectifs ? Si l’on ne veut pas que les conciliations idéologiques ne soient que des étapes vers un inéluctable divorce entre le peuple de gauche et ses dirigeants, cette étude place les appareils politiques de gauche face à leurs responsabilités.

On ne peut que regretter l’actuelle absence de cadre, et même de projet de cadre, commun à toute la gauche qui serait le lieu où s’enregistreraient justement les conciliations qui se dégagent dans le peuple de gauche. Il y a une fenêtre de tir historique pour construire un grand parti de toute la gauche. On ne pourrait pas l’accuser d’être un « machin » venu d’en haut, il serait l’accomplissement d’un rapprochement idéologique survenu à la base. L’Histoire nous a montré que seuls les processus d’Union programmatique pouvaient permettre à la gauche française d’accéder dans la durée aux responsabilités nationales. Alors à quand les fondations d’un « Peuple de l’Egalité » rassemblant toutes les tendances de gauche ?

Enfin, s’il n’y a plus fondamentalement de guerre interne à la gauche, il faut s’en féliciter mais il ne faut néanmoins pas se désarmer. Plus que cela, nous devons nous réarmer face à la droite. Ce réarmement passe certainement par une clarification sur ce que l’on entend par la « société du care », la sécurisation des parcours professionnels et aussi sur la question retraite afin de sortir de la stratégie de l’équilibrisme. Depuis trop longtemps, certaines élites de gauche ont renforcé l’image d’une République émolliente et apaisée qui permettait toutes les confusions entre droite et gauche. Cette stratégie de l’accommodement, datons-la pour aller vite du tournant libéral de 1983, a été la base de l’ouverture sarkozyenne, symbole le plus visible de la victoire sur le terrain politique de la victoire de la droite dans la guerre pour l’hégémonie culturelle.

Jean-Philippe HUELIN

Publié sur le site Marianne2.fr :
http://www.marianne2.fr/Vers-l-unite-des-cinq-gauches_a196731.html

lundi 23 août 2010

Note pour le laboratoire des idées


UN BOUCLIER RURAL, POUR UNE ÉGALITÉ RÉELLE ENTRE LES TERRITOIRES

La question territoriale est certainement au cœur de toute reconquête politique durable pour le Parti Socialiste. C’est la mesure de notre capacité à percevoir la nouvelle France, façonnée depuis les années 80 par les mutations économiques profondes de la mondialisation néolibérale. Une France en manque de repères, mais pourtant créative. Une France qui semble hésiter entre le « vivre mieux ensemble » et l’impasse individualiste. C’est toute l’épaisseur territoriale et sociale de notre pays que le PS doit retrouver. Au moment où le Parti Socialiste affirme la vision d’une nouvelle société urbaine, il est indispensable qu’il s’empare également de la nécessité d’une ruralité moderne.

La France rurale représente près de 20% de la population. Plus âgée, plus pauvre, plus ouvrière, cette France périphérique et populaire mérite toute notre attention. Depuis quelques années et sans faire de bruit, l’exode rural est devenu exode urbain, la population rurale augmente même si tous ceux qui s’installent à la campagne ne le choisissent pas nécessairement.

Or l’Etat a choisi de l’oublier. Il y a fermé les écoles de village, les hôpitaux et les maternités de proximité, les bureaux de poste et d’autres services publics (énergie, téléphonie…). Le monde rural est désormais considéré comme une terre de relégation. La fracture sociale s’est doublée d’une fracture territoriale !

Le tableau est noir, on le connait, si tant est qu’on veuille le voir. Il est bon de le rappeler et en même temps, il faut porter un regard positif et mener une action politique pleine de dynamisme. Si on peut avoir le pessimisme de la raison, il faut, plus que tout, avoir l’optimisme de la volonté !

Qui sait que 10 millions de citadins ont un projet de vie à la campagne ? Comment ignorer que partout les élus et les acteurs locaux se battent pour permettre à chacun d’y travailler et d’y vivre mieux ? A maints égards, la ruralité a endossée une nouvelle forme de modernité : nouvelles technologies, environnement préservé, qualité des relations humaines, commerces de proximité… Chaque jour, on y invente des solutions à des questions très concrètes de la vie quotidienne. Tout cela rend possible une contribution de la ruralité à un nouveau modèle de vivre ensemble qui promeut « la ré-humanisation des villes et la revitalisation des campagnes », comme le propose Edgar Morin.

C’est pourquoi, nous voulons un bouclier rural, car nous vivons dans des territoires de résistance, qui ont subi les premiers et de plein fouet la politique de Nicolas Sarkozy. C’est aujourd’hui le moyen de rétablir le principe républicain d’égalité entre les citoyens où qu’ils habitent sur notre territoire national.

Un bouclier pour se protéger, pour retisser des liens entre les habitants des campagnes, mais aussi entre les villes et les campagnes.

Un bouclier pour faire France, car on ne peut accepter la brisure entre un archipel métropolitain aspiré par le turbo-capitalisme et un arrière-pays rural condamné à la marginalité sociale.

Un bouclier aussi pour relever la tête et montrer, par des résultats concrets, qu’un autre modèle de vie est possible et que cette alternative peut justement venir des campagnes. Nous militons pour une République respectueuse de tous ses territoires.

Pour que nos campagnes vivent, notre bouclier rural doit être un arsenal de mesures concrètes qui rétablissent l’égalité, tout en prenant en compte les spécificités de la vie à la campagne. Refusant les recettes cosmétiques, nous appelons donc à écrire une loi de la République qui s’impose à l’Etat et aux personnes morales en charge de politiques publiques. Nos propositions sont sur la table, elles ne demandent qu’à être précisées, amendées ou complétées.

1) Maintien ou rétablissement de services publics indispensables à la cohésion sociale et à la création de richesses

Il est primordial de garantir un temps d’accès minimum aux services de base :
  • Santé : accès à moins de 45 mn d’une maternité, de 20 mn d’un accueil de médecine générale, mesures de lutte contre le désert médical et régulation des installations de médecins sur le territoire.
  • Justice : accès à moins de 45 mn d’un tribunal d’instance, à moins d’1 h 30 d’un Tribunal de Grande Instance
  • Education : accès à moins de 15 mn d’une école élémentaire et primaire (30 mn par transport scolaire), à moins de 25 mn d’un collège (45 mn par transport scolaire)
  • Services du Trésor : accès à moins de 20 mn d’une trésorerie, de 45 mn d’un centre des impôts
  • Service postal : accès à moins de 15 mn d’un bureau de poste ouvert au moins 26 heures par semaine
  • Missions d’accompagnement d’accès à l’emploi et à la formation (initiale et professionnelle) : accès à moins de 30 mn d’un lieu d’accueil et d’information.
Par ailleurs, et face aux dégradations qui s’accélèrent depuis dix ans, il est primordiale de maintenir une qualité de distribution de l’électricité équivalente à celle des villes. De même, et pour préparer l’avenir, il faut que tout habitant, toute entreprise ou collectivité ait accès au très haut débit. Nous devons nous engager dans un véritable programme qui amène, partout et pour tous, la fibre optique.

Tout cela implique notamment de partir des besoins des habitants et non d’obligations d’économies purement comptables. Cela impose la suppression de la règle de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans nos territoires.

2) Création de zones de développement économique rural

Nous savons bien que pour assurer le développement économique des zones rurales, il faut à la fois créer des richesses, c’est-à-dire maintenir les activités productives, les renouveler et les moderniser, capter des richesses pour maintenir l’attractivité résidentielle et touristique qui est importante dans le monde rural et faire circuler ces richesses à travers les commerces, les services, les associations etc.

Ces trois volets sont en totale interdépendance. Agir sur l’une sans penser aux autres n’est pas optimum, voire contre-productif. Nous proposons donc la création de zones de développement économique rural.
  • Cela permettra pour les entreprises déjà installées dans les territoires ruraux les plus isolés de bénéficier de conditions sociales et fiscales adaptées. Il faut en effet tenir compte de l’isolement géographique et de la saisonnalité du chiffre d’affaires : la fiscalité nationale et locale comme les cotisations sociales doivent être compatibles avec ces activités qui très souvent s’apparentent à une mission de service public. Si nous savons accompagner ceux qui veulent s’installer, il est nécessaire de soutenir aussi ceux qui sont là et qui résistent pour faire vivre nos villages.
  • Elles prendront en compte la situation particulière des artisans et des commerçants en définissant un statut réellement protecteur pour ceux qui ont fait le choix d’entreprendre dans ces territoires.
  • Ces zones permettront aussi d’adapter le rythme des mises aux normes dans des établissements à taille humaine (par exemple l’hôtellerie ou les stations services) qui sont menacées par des fermetures massives.
  • Elles doivent être accompagnées de nouveaux outils bancaires, publics ou privés, qui tiennent compte de la spécificité de l’activité dans les zones rurales et de règles qui imposent aux établissements bancaires de réinvestir dans ces zones une partie des sommes qu’ils y prélèvent.
  • Elles réserveront certains marchés publics aux PME et aux TPE, au moins au titre de la sous-traitance.
  • Elles permettront la création de pôles de compétitivité ruraux et apporteront des soutiens spécifiques à l’économie agricole.
  • Elles permettront de bonifier les dotations de fonctionnement de l’Etat qui, à l’heure actuelle, sont deux fois moins importantes dans les zones rurales que dans les zones urbaines.

3) Soutien au bénévolat et aux associations qui rendent des services d’intérêt général

L’aide à l’action bénévole, comme les sapeurs pompiers volontaires, dont le statut précaire peut mettre en danger à terme les premiers secours, mais aussi les centres sociaux, dont l’existence et les services aux familles sont parfois mise en péril par la remise en cause silencieuse des dispositifs d’aides publiques, constituent quelques exemples de soutiens durables indispensables à la cohésion sociale de nos territoires. Le soutien durable aux lieux d’échanges et de débats, comme les comités de territoires ou les associations de développement est indispensable, car nous avons expérimenté ce qui doit être un élément fondamental de la citoyenneté de demain.

4) Invention d’une « nouvelle école »

Le bouclier rural est aussi une contribution pour repenser notre système scolaire. Nous proposons de généraliser les « ZEP rurales » c'est-à-dire les « aires rurales d'éducation concertée » (AREC), véritables bassins éducatifs pour une éducation et une formation tout au long de la vie et outils pour « penser global » l’offre éducative. Nous demandons d’abord des classes à taille humaine (25 élèves maximum), des temps de transports scolaires compatibles avec le rythme de vie des enfants et l'encouragement à la scolarisation dès deux ans parce que la très petite section de maternelle est le premier lieu de socialisation. De même, nous suggérons de généraliser « des maisons des petits à l’école » pour réussir enfin le passage de la famille à l’école ainsi que la mise en œuvre de « groupes de soutien au soutien » pour les enseignants.

5) Prise en compte de notre légitimité territoriale dans la réforme des collectivités territoriales

Le développement des intercommunalités rurales a renforcé le tissu rural. Tout aussi indispensable sont les parcs naturels régionaux et les pays, parce qu’ils sont fondés sur la délibération collective et le contrat qui permettent d’inventer une ruralité moderne. Alors que nous représentons 80 % du territoire, et que la réforme des collectivités territoriales prévoit de diviser par quatre le nombre de nos élus locaux, le bouclier rural doit prévoir la représentation de nos territoires en fonction de la population, certes, mais aussi de la superficie de nos territoires qui demandent d’être considérés comme des espaces à part entière, spécifiques et légitimes.

Conclusion

Les agriculteurs l’ont dit récemment avec beaucoup de force, car la brutalité des variations de prix qu’ils subissent et les baisses de revenu qu’elles impliquent seraient inacceptables pour tout autre secteur d’activité : l’indifférence et le mépris ne sont plus supportables.

Le monde rural demande à être respecté et entendu. Nous, socialistes, devons relever ce défi du développement de nos territoires, nous en sommes capables. Il y a dans nos campagnes des forces extraordinaires qui ne demandent qu’à s’exprimer. Tous nos concitoyens veulent vivre avec des services publics de qualité pour pouvoir créer des richesses. Cela passe certainement par un nouveau pacte entre la République et le monde rural. C’est ce que pourrait incarner le bouclier rural.

Retrouvez la totalité du dossier sur le bouclier rural sur le site : « Vers un bouclier rural »

Sur le site du Parti Socialiste : http://www.parti-socialiste.fr/articles/un-bouclier-rural-pour-l-egalite-entre-les-territoires

jeudi 12 août 2010

Entre EDF et le monde rural, il y a de l’électricité dans l’air…

La qualité de la distribution de l’électricité se détériore gravement en France depuis 10 ans. Les coupures sont de plus en plus longues, surtout dans les territoires ruraux, car la maintenance du réseau n’est plus une priorité. Sont en cause EDF bien sûr mais aussi l’Etat…

Avec son plan de relance, le gouvernement fait miroiter le très haut débit au monde rural. Celui-ci connaît certes l’adage (« les promesses n’engagent que ceux qui y croient »), mais surtout, il ne peut que constater la dégradation de la qualité du réseau électrique existant. C’est comme si on vous promettait d’entrer dans le XXIème siècle en vous privant des technologies du XIXème ! Faudrait-il envisager l’acquisition d’une dynamo de bicyclette pour faire tourner nos ordinateurs ? C’est un peu cela, l’attitude du gouvernement par rapport aux campagnes !

Reprenons dans le détail. Un rapport d’étape sur la qualité de la distribution d’électricité a été rendu public au mois de mars dernier. Sans faire trop de bruit, ce rapport lâche pourtant un certain nombre de bombes qui pourraient révolter la France rurale. Que disent ses auteurs, tous deux vice-présidents de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) ? « Les performances des réseaux se sont très sensiblement dégradées ». « Le temps moyen annuel de coupure des réseaux est actuellement de 1h30 pour le consommateur » avec de fortes variations selon les départements puisqu’il était « en 2008 de 35h31mn en Lozère pour seulement 20mn à Paris » ! Pour tous, ce « temps a augmenté de moitié ces dix dernières années. » Nous ne sommes donc pas surpris de retrouver nos deux départements ruraux, la Nièvre et le Jura, parmi les départements où les coupures sont les plus longues…

EDF et l’Etat pointés du doigt

Mais les auteurs ne font pas seulement la liste des dégradations, ils en pointent aussi sans détour les causes : cette « dégradation réside dans l’insuffisance des investissements d’ERDF » (filiale à 100% d’EDF) qui se détourne de sa mission de distribution depuis « l’ouverture à la concurrence de la fourniture d’électricité » qui a occasionné une « réduction excessive à la fois de la maintenance préventive et des investissements de modernisation du réseau ». En clair, EDF préfère investir ses fonds propres pour faire des acquisitions à l’étranger plutôt que dans les campagnes françaises ! Mais alors pourquoi conserver le « F » d’EDF ?

Enfin, les auteurs ne manquent pas de pointer également les errances de l’Etat qui préfère accompagner la stratégie financière d’EDF, dont il reste le principal actionnaire, plutôt que de défendre l’intérêt de nos communes. Il est vrai que les dirigeants de notre pays fréquentent plus Henri Proglio, le patron d’EDF, que les élus ruraux… L’Etat ne fait donc rien pour rappeler EDF à sa mission. Déjà le décret du 24 décembre 2007 fixait un niveau d’exigence minimale plus bas que les performances constatées cette même année. Si ce n’est pas de l’incitation à la régression, cela y ressemble… Mais mieux encore, tout récemment, les critères retenus par l’arrêté qualité, modifié le 25 février 2010, restent moins sévères que les dispositions contractuelles des cahiers des charges de concession ! Car même si EDF semble faire la loi en matière de distribution d’électricité, il ne faut jamais oublier que les lignes électriques appartiennent aux communes qui souvent en transfert la compétence à des syndicats intercommunaux. EDF n’est donc que le concessionnaire et doit l’entretien des réseaux concédés !

Maintenir l’égalité réelle entre les territoires

Il convient de rappeler aussi les valeurs qui ont présidé en 1946 à la mise en place du système électrique français : universalité de la desserte, péréquation tarifaire et égalité de traitement de tous les citoyens en matière de qualité de l’énergie distribuée. Ces principes ne sont peut-être plus très en cour chez nos élites politiques et financières mais nous, nous y tenons ! Et nous n’accepterons pas que ces principes républicains soient bafoués ! A cet égard, il est inacceptable, comme le prévoit ce fameux arrêté de février 2010, que soit mis en place un zonage du territoire en trois secteurs A, B et C où la qualité de la distribution varierait de manière décroissante. Par exemple dans la Nièvre, sur 312 communes, il y en aurait 12 en catégorie B et le reste en catégorie C… aucune en catégorie A ! C’est proprement scandaleux dans la mesure où cela remet en cause le principe d’égalité face au service public.

Derrière ces décisions qui peuvent à première vue paraître subalternes au regard d’autres inégalités criantes en matière de service public entre les villes et les campagnes, il y a un enjeu considérable pour le développement du monde rural. Qui voudrait devenir un consommateur de seconde zone ? Quel couple voudrait s’installer à la campagne et profiter du même niveau d’équipement qu’à la ville alors qu’on lui « promet » plus de 30h de coupure d’électricité chaque année (sans compter les coupures liés aux accidents et cela peut arriver avec des vents de…70 km/h seulement tant les lignes ne sont plus entretenues !) ? Quelles entreprises iront investir dans des secteurs où on ne peut pas leur garantir une certaine continuité du courant électrique ? Faudrait-il que les collectivités leur paye des groupes électrogènes, comme en disposent les missions humanitaires de secours dans les pays pauvres ?

Nous en appelons donc au gouvernement et en tout premier lieu à Michel Mercier, ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, afin qu’il rappelle EDF à son devoir et au respect de ses engagements. Pour notre part, nous continuons notre combat pour un bouclier rural, afin de donner plus à ceux qui reçoivent de moins en moins et afin surtout de garantir une égalité réelle entre l’ensemble des citoyens français, quel que soit le territoire où ils vivent. Les dégradations alarmantes en matière de distribution de l’électricité que nous venons de rappeler le démontre, rien n’est définitivement acquis et nous devrons nous battre pour inverser cette pente mortifère qui voit les espaces urbains « larguer » les campagnes. Ce serait la fin de notre République.

Fabien BAZIN, conseiller général et maire de Lormes dans la Nièvre
Jean-Philippe HUELIN, militant socialiste dans le Jura
sont tous deux les promoteurs du « bouclier rural »
et Guy HOURCABIE, conseiller général de la Nièvre et vice-président délégué de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR)

Publié sur le site Marianne2.fr : http://www.marianne2.fr/Entre-EDF-et-le-monde-rural-il-y-a-de-l-electricite-dans-l-air_a196223.html

lundi 2 août 2010

Elections partielles: le PS doit se réinventer

L'Ifop et La lettre de l'opinion viennent de publier une note sur les résultats des vingt élections partielles depuis les dernières régionales. Si la droite perd du terrain, le PS laisse aux autres formations comme Europe éco, le Front de gauche ou le FN, le soin d'en tirer profit. Décryptage.

Comme s'ils anticipaient leur déroute, l'UMP et le PS ont veillé à relativiser, à raison, l'importance des élections partielles. Début juillet, Xavier Bertrand s'indignait :« Je ne vois pas pourquoi à chaque fois qu'il y a une élection partielle, ça devrait être un test pour nous ». De son côté, Martine Aubry affirmait que les résultats ne seraient pas « un thermomètre de la situation ». En voilà deux qui ont eu du flair. La note publiée par l'Ifop et la Lettre de l'opinion le 20 juillet révèle effectivement une absence de regain d'attractivité pour les deux principaux partis.

Le taux d'abstention énorme constitue une première explication. Avec 33,7% de votants pour les treize cantonales et 28,35% pour les deux législatives, il serait hasardeux d'en tirer de grandes conclusions sur la suite des événements. « Il ne faut pas chercher à lire une présidentielle à travers des cantonales. Il ne s'agit que d'une toute petite indication de l'évolution sociologique sur un certain nombre de territoires, souligne Gaël Brustier, auteur avec Jean-Philippe Huelin de "Recherche le peuple désespérément". Ceux qui vont voter aux élections partielles sont les plus riches, les plus éduqués. »

Deux phénomènes ressortent de ce constat :

1) La percée d'Europe Ecologie qui attire un électorat relativement aisé, concentré dans les villes- centres ; et affaiblit de fait le PS. Ainsi Anny Poursinoff, la candidate écolo des Yvelines, a-t-elle réalisé un score remarquable aux législatives de juillet 2010 avec 42,6 % des voix contre 3,8 % en 2007. Or de plus en plus de jeunes cadres se concentrent dans ce département. « Ces bac+5 au portefeuille bien garni sont autant d'électeurs qui hésitent entre la gauche et un parti libéral-libertaire, observe Gaël Brustier. On peut se demander si le vote écolo n'est pas un sas de sortie de l'électorat de gauche vers une certaine droite. Il ne faut pas schématiser Europe Eco comme un parti de gauche. » Les victoires écolos ont quand même le mérite de signifier au PS que son ancrage dans les villes n'est plus assuré.
Les scores réalisés par le Front de gauche reflètent malgré tout un regain d'intérêt pour la gauche, dans la droite ligne des élections régionales. Selon Brustier, la coalition « a bénéficié du maillage local du Parti communiste » puisqu'elle améliore sensiblement ses positions par rapport à 2007 et « prouve sa capacité de rassemblement à gauche de la gauche », comme le souligne la Lettre de l'opinion.

2) Malgré les faibles scores réalisés par l'UMP, difficile de les interpréter comme un désaveu de la politique menée par le chef de l'Etat. « L'électorat sarkozyste de 2007 qui a voté pour le volontarisme, l'ordre républicain, est largement absent de ces élections partielles », constate Gaël Brustier. Puisqu'ils n'ont pas voté, impossible de dire si ces ouvriers des zones péri-urbaines ré-accorderaient leur confiance aujourd'hui au président.
En revanche, reliée aux scores du FN, l'abstention populaire autorise cette affirmation : le FN se porte bien. En progrès lors des législatives des Yvelines et en baisse de 3,15 points entre les cantonales de 2004 et celles de 2010, le parti d'extrême-droite n'a pu compter sur son électorat traditionnel. De plus, comme le précise l'auteur de Recherche le peuple désespérément, « un parti qui n'a pas de cadre, pas de fédération locale ne peut pas percer ».

Ces vingt scrutins partiels placent « la gauche en situation de force, même si le Parti socialiste est maintenant concurrencé assez nettement pas deux autres formations politiques, Europe Ecologie et Front de gauche », conclut la note. Mais pour Gaël Brustier, « on assiste à une vague de droitisation en l'Europe ». La droite se révèle certes affaiblie, mais pour tirer son épingle du jeu au delà de 2012, le PS doit partir à l'assaut des zones péri-urbaines, renouer avec ces classes populaires de l'est de la France qui ne se reconnaissent plus dans l'angélisme prôné par le parti. Et contrairement à l'idée reçue, la victoire d'Europe Ecologie ne laisse rien présager de bon pour la gauche. Elle apparaît comme un point de passage libéral-libertaire vers la droite. Stopper l'hémorragie électorale à gauche nécessite une prise de conscience. Aura-t-elle lieu à temps ?

Laureline Dupont - Marianne | Vendredi 30 Juillet 2010
http://www.marianne2.fr/Elections-partielles-le-PS-doit-se-reinventer_a195798.html?preaction=nl&id=5907737&idnl=26032&

samedi 3 juillet 2010

Le Bouclier rural sur le site "Gens du Morvan"

A la manière des Gaulois qui savaient aussi manier leur bouclier comme une arme offensive, Fabien Bazin a tressé son « bouclier rural » comme un rempart contre les fermetures des services publics qui anémient les campagnes et une force de combat pour faire reconnaître, soutenir et développer le potentiel des territoires ruraux et de leurs habitants.

Adepte de la formule « il faut réhumaniser des villes et revitaliser les campagnes » du penseur de la politique de civilisation le sociologue et philosophe Edgar Morin, le maire socialiste de Lormes a réussi à entrainer des centaines d'élus locaux français et quelques théoriciens de gauche tels que Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin co-auteurs du livre Recherche le peuple désespérément.

11 millions de citadins ont aujourd'hui un projet de vie à la campagne

« La question dépasse les clivages politique » précise aussitôt Fabien Bazin en citant des élus de droite, confrontés à ces mêmes problèmes de moyens et de considération, qui adhèrent à ses propositions. Le 28 mai dernier les XIIIe Assises des des Petites Villes de France qui rassemblaient 300 maires à Joigny lui ont fait une place à la tribune pour présenter son projet.

« Quand le bouclier fiscal donne plus à ceux qui ont déjà trop (selon la formule qu'il a trouvée pour placer son combat dans la bataille politique actuelle) nous proposons de mettre en oeuvre un bouclier rural garantissant l'égalité des droits et des chances au développement des territoires ruraux» explique l'élu morvandiau en préambule du texte présentant les propositions du programme .

Le maire de Lormes n'oublie également jamais de rappeler un chiffre: « 11 millions de citadins ont aujourd'hui un projet de vie à la campagne, sans oublier les millions de touristes accueillis chaque année. On parle aujourd’hui d'exode urbain » avant d'ajouter, cinglant: « Or, l’'Etat a démontré son absence de projet pour la société française. Il abandonne son rôle de stratège et privilégie une approche idéologique qui nie le vivre ensemble au profit de l’individualisme... ».

Des mesures concrètes et une philosophie

Création de zones franches rurales et de pôles de compétitivité ruraux, mesures de soutien à la modernisation de l'agriculture, au logement et aux transports, développement de la fibre optique "partout et pour tous", rétablissement de tous les services publics avec temps minimum d'accès à chacun d'eux (45 mn d’une maternité, de 20 mn d’un accueil de médecine générale, 15 mn d’une école élémentaire, 15 mn d’un bureau de poste etc...), aide aux associations d’intérêt général qui apportent des services au public, création d' « aires rurales d'éducation concertée » (" ZEP rurales"), création d' « ateliers de philosophie » etc..: le bouclier rural que Fabien Bazin souhaite « opposable par les citoyens et les collectivités locales à l'Etat » ne manque pas de propositions concrètes.

Des propositions qui dessinent au final une philosophie de la vie et de l'action publique. Fabien Bazin pourrait faire sienne la proposition de son collègue Patrice Joly, président du Parc du Morvan de " réenchantere" les territoires ruraux : « Le milieu rural défend un certain « art de vivre » fondé sur la simplicité des échanges, l’engagement associatif et citoyen, une forme de convivialité et de relation au temps et aux autres » constate-t-il au chapitre culturel du projet. L' expression d'un idéal opposé à la culture dominante du chiffre et du tout financier.

La rédaction d'un ouvrage collectif dont la sortie prévue à l'automne signera l'entrée du "bouclier rural" dans la liste des sujets politiques et sociétaux en débat. La défense est passée à l'attaque.

Écrit par Gens du Morvan
Vendredi, 02 Juillet 2010
http://www.gensdumorvan.fr/actualites/le-bouclier-rural-de-fabien-bazin-la-defense-passe-a-lattaque.html

jeudi 3 juin 2010

Des primaires sans peuple de gauche ?

Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin critiquent le processus des primaires tel qu'il est envisagé : pour construire un rapport de forces, il faut penser la France dans la mondialisation et des primaires vraiment ouvertes.

Le Parti Socialiste s’apprête à adopter un nouveau mode de désignation de son (ou de sa) candidat(e) à l’élection présidentielle. La gauche pâtit depuis trop longtemps d’un défaut de « leadership », d’une difficulté à penser le monde et, conséquemment, d’une impossibilité à établir un projet clair qui permette de gagner les élections nationales. Convenons qu’un mieux s’est fait récemment sentir à force de travail au sein du PS et chez ses partenaires. Les primaires sont peut-être l’occasion d’un nouveau départ mais les adopter ne résoudra pas tout : on ne refonde pas un projet politique uniquement par un « discours de la méthode ».

D’abord la crise du PS est venue du fait qu’il a cessé d’être, à partir de 1983, ce pour quoi il avait été conçu, c'est-à-dire une conscience collective et l’instrument de cette conscience collective. Le PS était censé fabriquer des socialistes à partir de non-socialistes. Il s’agissait, en outre, de rappeler les élus à la vérité du socialisme et de rappeler les socialistes à la réalité du monde. De cette dialectique devait naître la transition au socialisme; 1983 est arrivé. L’ouverture de la « parenthèse libérale » a produit ses effets : ouvriers et employés se sont éloignés de la gauche au point de préférer l’abstention, la droite ou l’extrême droite à une gauche qui, à leurs yeux, avait renoncé à leur parler et à les défendre. De ce point de vue, les opposants aux primaires font l’impasse sur le fait que le PS a abdiqué bien d’autres fonctions avant celle de désigner les candidats à l’élection présidentielle.

La gauche existe aussi en dehors des rues piétonnes

Depuis de nombreuses années, on assiste en effet à un véritable « décrochage » de l’électorat populaire lors des différents scrutins. Lorsqu’il se déplace, ainsi que le fait remarquer le géographe Christophe Guilluy, cet électorat de la France périphérique ne vote pas à gauche. On l’oublie trop souvent mais la France ne se résume pas aux villes-centres et à ses proches banlieues. Cette vérité-là a bien du mal à progresser dans la praxis de la gauche. Dans les primaires à venir, évitons donc deux écueils. Il existe d’abord le risque que la participation des villes-centres soit plus forte que celle de la France périphérique et qu’ainsi le candidat désigné par la majorité des électeurs des primaires soit le candidat d’une sociologie minoritaire. Ce risque existe mais il peut être écarté si les organisateurs des primaires ont l’ambition d’aller au-delà des 15 000 bureaux de vote promis.

Le deuxième risque est celui de primaires « entre-ouvertes », c'est-à-dire fermées aux partenaires du PS ou boudées par Europe Ecologie et le MRC qui sont les deux seuls partenaires susceptibles aujourd’hui d’engager une réelle confrontation idéologique avec le Parti Socialiste (les autres ne souhaitant pas s’engager dans cette démarche). Pour réussir les primaires, il faut donc les lier à un processus de mutation complète – idéologique, sociologique et organisationnelle – de la gauche.

Celle-ci se refuse souvent à penser la société française dans la mondialisation et à penser les conséquences de la mondialisation sur la société française. La France périphérique et populaire est la première à souffrir de désindustrialisation et des effets de la globalisation financière or c’est elle, il faut le savoir, qui fait les élections. La mondialisation, le libre-échange, la question de l’économie financiarisée, l’avenir de l’euro, les rapports de forces entre le G2, la France et l’Europe, les rapports de forces entre pays européens sont les questions centrales et urgentes. Le reste en découle.

L'industrie, l'école, l'égalité au centre de la campagne ?

La coalition sociale majoritaire pour gagner reste donc à bâtir. Après avoir inventé que la « classe ouvrière » n’existait plus, certains esprits simples résument la question sociale aux banlieues et la question civique à la mise en place d’une diversité cosmétique comme si, pour qu’une société soit juste, il suffisait que ses élites soient ethniquement calquées sur l’ensemble de la société. Il faut donc envisager de s’adresser enfin aux 60% de la population française : ses ouvriers et employés, ses précaires, ses victimes de la désindustrialisation, ses salariés des services, tous largement absents des bancs du Palais Bourbon.

On ne leur parlera pas « greenwashing », on ne les séduira pas par la diversité, on ne les mobilisera pas pour la parité, il faudra leur parler de leur pays et de son avenir dans la mondialisation. La conscience de la crise mondiale est aigüe dans la société française. Si on ne parle pas de l’industrie, de l’Ecole et de l’égalité, si on ne parle pas aux mondes ouvriers, aux mondes ruraux et à l’ensemble des classes populaires, on peut être certain que le retour de boomerang sera très douloureux.

Derrière la diversité - objet de culte du néopaganisme cathodique - il y a l’incapacité à penser les souffrances de la société française. Ethniciser les désignations des candidats pour ethniciser la représentation nationale est un jeu dangereux qui fera le lit du différentialisme et des inégalités. On l’oublie trop souvent : les « quartiers populaires » c’est la totalité du pays moins les villes-centres de nos métropoles ! Il faut donc sortir de cette impasse analytique et s’adresser à l’ensemble de la société française.

Le combat qui s’engagera inévitablement après l’adoption souhaitable de ces primaires sera celui de l’édification d’un opérateur politique qui permette de changer de bloc dominant en France. Il faudra donc faire le lien entre analyse des rapports de forces internationaux et constitution d’un rapport de forces favorables à la gauche en France. L’un sans l’autre, c’est partir à l’assaut de la citadelle élyséenne armés de pistolets à bouchons !

Les deux auteurs sont co-auteurs de « Recherche le peuple désespérément » (Bourin Editeur, 2009)

http://www.marianne2.fr/Des-primaires-sans-peuple-de-gauche_a193585.html