mardi 27 avril 2010

Pour aller au peuple, Royal doit oublier St Germain

La Présidente de Poitou-Charente délaisse le centre pour conquérir les électeurs ruraux. L'Antidote, blogueur associé, donne quitus à l'ex candidate socialiste sur sa vision critique des élites urbaines et sa volonté de coller à l'électorat populaire.

Nous venons encore d’assister à une passe d’arme entre Cécile Duflot et Ségolène Royal. La secrétaire nationale des Verts n’a pas davantage apprécié le soutien aux habitants des zones noires de la présidente de la région Poitou-Charentes que son opposition à la taxe carbone. A chaque fois, Duflot a tancé l’ex-ministre de l’environnement. Et a dû encaisser en retour une jolie volée de bois vert, encore qu’on puisse avoir des doutes sur la couleur.

Cécile Duflot ne comprend plus Ségolène Royal. On peut interpréter ses réactions comme une déception de l’ancienne fan pour une artiste qu’elle a longuement admirée et qui dévie de la route. On peut aussi, tout simplement, penser qu’elle souhaite « tuer la mère » tant Ségolène Royal a longtemps incarné l’idéologie maternaliste, écologiste et principedeprécautionneuse -qu’on me pardonne ce néologisme, mais ce texte concerne Ségolène Royal, après tout. Quand Philippe Muray ne ménageait guère la candidate socialiste à la présidentielle de 2007, c’était, bien entendu, tout ce qu’elle représentait qui était visé : elle était le condensé d’une époque. Il n’est pas indifférent que certains admirateurs de Muray ont désormais dans le viseur la nouvelle égérie écolo.

Depuis qu’elle a échoué à prendre la tête du Parti Socialiste, Ségolène Royal cherche une nouvelle voie qui lui permettrait d’affronter à nouveau Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle et de prendre sa revanche. Ses amis et principaux soutiens l’ont quittée les uns après les autres et on en a trop vite déduit qu’elle n’avait plus aucune chance. Si elle a affronté Peillon, c’est moins pour récupérer le courant dont elle accusait ce dernier de l’avoir spolié, que pour montrer à l’opinion qu’elle ne se laissait pas marcher sur les pieds ; il s’agissait d’affirmer qu’elle était une chef, autoritaire et bagarreuse, un peu comme l’hôte actuel du château. Elle a également pris acte que son allié putatif François Bayrou était en perte de vitesse et a donc laissé à Peillon le soin d’organiser des agapes avec centristes et écologistes. En réalité, Ségolène Royal sait que son avenir politique ne se joue pas dans cet espace politique que nous appellerons « écolo-social-libéral », pour faire vite. Bien trop embouteillé, cet espace : DSK, Valls, Bayrou, Duflot, mais aussi Juppé et Villepin, sans compter Nicolas Sarkozy lui-même qui l’occupe par l’entremise de Carla. Tout cela pour 20 % maximum. Certes ce sont les 20 % d’électorat bobo dont la quasi totalité des journalistes et « influents » parisiens. Restent quatre-vingts, répartis entre droite et gauche à parts à peu près égales.

Cela, donc, il semble bien que Ségolène Royal l’ait compris. Elle a, paraît-il, dévoré « Recherche le peuple désespérément » co-écrit par deux militants socialistes, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin. Ce livre démontre qu’une bonne partie de l’électorat de gauche, classes populaires et classes moyennes déclassées, ne vit ni dans les centre-villes « bobos » -et pour cause- ni dans les fameux « quartiers ». Au contraire, la hausse de l’immobilier les a repoussés dans le monde rural et les zones pavillonnaires péri-urbaines où elles peinent à rembourser leurs traites. Philippe Cohen qui en avait fait une lecture pour Marianne2, écrivait en octobre dernier qu’une certaine gauche médiatique persistait à l’ignorer, parfois au prix d’une prolophobie de plus en plus évidente. Quant à Emmanuel Todd, il analyse la volonté de construire des pavillons dans des zones éloignées des centre-villes comme une façon de vivre dans un « abri-anti-mondialisation ». C’est ainsi qu’il faut sans doute interpréter l’initiative de Ségolène Royal contre la taxe carbone, laquelle lèse de toute évidence cette couche de la population qui a besoin de voiture et qui n’a pas pu construire un pavillon écolo modèle. C’est aussi à la lumière de cette réflexion qu’elle a soutenu avec vigueur les familles concernées par les « zones noires » il y a quelques jours. Il est même probable que son souci de donner des chèques-contraception aux lycéennes de sa région réponde aussi à ce souci de défendre les filles rurales ne disposant pas de planning familial près de chez elles.

En 2007, elle avait mis, entre autres thèmes, l’accent sur la proximité. C’est ce qui lui a permis de faire le lien avec sa stratégie d’aujourd’hui. Une sorte de fil conducteur qui donne l’impression que tout cela reste cohérent, qu’elle est demeurée la même tout en visant un autre électorat. Mais la proximité ne suffit pas. Elle ne tient là qu’un bout de la chaîne qui lui permettra d’être complètement audible auprès de cet électorat. C’est ainsi que ses équipes ont également rencontré Hakim El Karoui, théoricien du protectionnisme européen, celui-là même qui avait proposé fin 2006 à Dominique de Villepin un programme économique rompant avec le libre-échange cher aux socialistes Pascal Lamy et Dominique Strauss-Kahn. Intéressant mais insuffisant. Aujourd’hui, la crise étant passée par là, nous n’en sommes plus à proposer aux Allemands, comme le suggéraient El Karoui et Emmanuel Todd, de prendre la tête d’un protectionnisme européen. L’Allemagne joue perso. Avant de parler de nouvelles barrières douanières luttant contre dumping social et environnemental, il faut aborder la question de la monnaie. C’est là que nous pouvons légitimement nous interroger sur la capacité de Ségolène Royal à briser le tabou de l’Euro.

Il serait pourtant dans la même logique d’abandonner le Centre, les lubies écolo-bobos de Mme Duflot, et promouvoir la défense des classes populaires et moyennes déclassées en remettant en question la monnaie unique. L’autre bout de la chaîne, que Madame Royal doit saisir, il est bel et bien là. Or, briser ce tabou serait mettre fin à vingt ans d’eurobéatidude. Celle qui fut la seule parlementaire a quitter l’hémicycle en protestant contre l’élection d’un « adversaire de l’Europe» au perchoir, celle qui imposa sa morgue à ses interlocuteurs nonistes -qui avaient pourtant eu les faveurs du suffrage populaire- lors de la soirée référendaire de 2005, l’amie de Bernard-Henri Lévy, peut-elle apparaître aux yeux du tout-Paris-médiatique comme une « anti-européenne » ? Et elle-même est-elle capable de faire une croix sur plus de vingt ans de militantisme europhile ? C’est une révolution politique, médiatique et psychologique.

Pourtant, cette gauche des quartiers pavillonnaires et des zones rurales a voté non au TCE et elle met dans le même sac méfaits de la mondialisation et monnaie européenne. Roland Hureaux expliquait, à la convention de Debout la République consacrée à l’emploi, l’effet multiplicateur de la désindustrialisation, lequel est particulièrement ravageur dans les petites villes. Quand le mari ouvrier perd son emploi parce que la petite entreprise est délocalisée ou ferme parce qu’elle était sous-traitante d’une plus grosse préférant se servir en Chine, l’emploi de Madame dans le secteur tertiaire est bien souvent supprimé ensuite de manière collatérale, toute l’activité des services de la ville dépendant du plus gros employeur privé. Briser le tabou monétaire n’est pas une chance pour Ségolène Royal, c’est la seule chance de Ségolène Royal. Pour accéder au second tour de l’élection présidentielle, mais aussi au premier. Que ce soit dans une procédure de primaires les plus ouvertes possibles -cette couche de la population n’adhèrera pas même pour une somme symbolique pour y participer ou -arguant que des primaires trop fermées sont un moyen de l’éliminer- en participant au premier tour indépendamment du Parti socialiste, Mme Royal ne peut tenir les deux bouts de la chaîne et construire sa martingale gagnante qu’au prix d’un véritable effort sur elle-même. On ne peut reprocher à Martine Aubry sa proximité avec Alain Minc sans rompre également avec BHL. Elle n’aura pas ce peuple de gauche avec l’ancien nouveau-philosophe sur le porte-bagages. Et elle peut très bien, dans un premier temps, demander à sauver l’Euro en proposant que l’Allemagne en sorte. Il s’agit d’une manière très adroite de sauver les apparences europhiles, en mettant la responsabilité sur le dos des Allemands. Après, il sera toujours temps de tenir un langage plus national.

La manière dont Nicolas Sarkozy a réagi en envoyant Borloo éteindre le feu dans les communes concernées par l’établissement de zones noires démontre que, contrairement à ce qui est habituellement admis, Ségolène Royal lui fait peur. En observateur averti de la vie politique, il sait que si celle-ci osait briser le tabou, il pourrait fort bien lui être opposé en mai 2012. Ce nouvel euroscepticisme pourrait alors valoir à la Dame du Poitou des reports de voix intéressants de la part du Front de gauche sauce Mélenchon.

Ségolène Royal est au milieu du gué. Osera t-elle ?

http://www.marianne2.fr/Pour-aller-au-peuple,-Royal-doit-oublier-St-Germain_a191991.html

dimanche 4 avril 2010

Une critique du Groupe socialiste d'entreprise nationale de la Poste

La gauche a perdu le contact avec le peuple, et en particulier les ouvriers et employés qui constituent toujours la grande majorité de la population. Si elle veut reconquérir le pouvoir, il lui faut renouer ce contact, trouver la stratégie, le langage et les propositions qui leur redonnent des perspectives. Et pour cela, il faut d’abord les reconnaître là où ils sont. Les auteurs nous invitent à changer de regard, notamment sur les zones pavillonnaires et sur les campagnes ; à y voir d’abord des victimes du néolibéralisme. Ils font œuvre salutaire. Espérons qu’ils soient entendus.

« Notre pays a perdu de vue le peuple », estiment les auteurs, qui se proposent, en s’appuyant largement sur la sociologie, de « chasser les mythes ». « Fin de la classe ouvrière » ? « entreprise sans usine » ? L’essentiel de la réalité sociale de notre pays est occultée, environ deux tiers de la population : ouvriers, employés, travailleurs indépendants ; relégués loin des centres, oubliés. Avant-garde prolétarienne » pour le « mao » de 1970, l’ouvrier français est vite devenu le « beauf » raciste d’un Charlie Hebdo « gentrifié ».

La globalisation financière a modifié notre société, son impact se fait sentir physiquement. Il ne s’agit plus de théorie. Il s’agit de la vie quotidienne et concrète de millions de nos concitoyens. Bien qu’ayant presque disparu des discours politiques, les couches populaires (ouvriers et employés) représentent encore 60 % de la population active, soit une part constante depuis 1954.

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