jeudi 3 juin 2010

Des primaires sans peuple de gauche ?

Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin critiquent le processus des primaires tel qu'il est envisagé : pour construire un rapport de forces, il faut penser la France dans la mondialisation et des primaires vraiment ouvertes.

Le Parti Socialiste s’apprête à adopter un nouveau mode de désignation de son (ou de sa) candidat(e) à l’élection présidentielle. La gauche pâtit depuis trop longtemps d’un défaut de « leadership », d’une difficulté à penser le monde et, conséquemment, d’une impossibilité à établir un projet clair qui permette de gagner les élections nationales. Convenons qu’un mieux s’est fait récemment sentir à force de travail au sein du PS et chez ses partenaires. Les primaires sont peut-être l’occasion d’un nouveau départ mais les adopter ne résoudra pas tout : on ne refonde pas un projet politique uniquement par un « discours de la méthode ».

D’abord la crise du PS est venue du fait qu’il a cessé d’être, à partir de 1983, ce pour quoi il avait été conçu, c'est-à-dire une conscience collective et l’instrument de cette conscience collective. Le PS était censé fabriquer des socialistes à partir de non-socialistes. Il s’agissait, en outre, de rappeler les élus à la vérité du socialisme et de rappeler les socialistes à la réalité du monde. De cette dialectique devait naître la transition au socialisme; 1983 est arrivé. L’ouverture de la « parenthèse libérale » a produit ses effets : ouvriers et employés se sont éloignés de la gauche au point de préférer l’abstention, la droite ou l’extrême droite à une gauche qui, à leurs yeux, avait renoncé à leur parler et à les défendre. De ce point de vue, les opposants aux primaires font l’impasse sur le fait que le PS a abdiqué bien d’autres fonctions avant celle de désigner les candidats à l’élection présidentielle.

La gauche existe aussi en dehors des rues piétonnes

Depuis de nombreuses années, on assiste en effet à un véritable « décrochage » de l’électorat populaire lors des différents scrutins. Lorsqu’il se déplace, ainsi que le fait remarquer le géographe Christophe Guilluy, cet électorat de la France périphérique ne vote pas à gauche. On l’oublie trop souvent mais la France ne se résume pas aux villes-centres et à ses proches banlieues. Cette vérité-là a bien du mal à progresser dans la praxis de la gauche. Dans les primaires à venir, évitons donc deux écueils. Il existe d’abord le risque que la participation des villes-centres soit plus forte que celle de la France périphérique et qu’ainsi le candidat désigné par la majorité des électeurs des primaires soit le candidat d’une sociologie minoritaire. Ce risque existe mais il peut être écarté si les organisateurs des primaires ont l’ambition d’aller au-delà des 15 000 bureaux de vote promis.

Le deuxième risque est celui de primaires « entre-ouvertes », c'est-à-dire fermées aux partenaires du PS ou boudées par Europe Ecologie et le MRC qui sont les deux seuls partenaires susceptibles aujourd’hui d’engager une réelle confrontation idéologique avec le Parti Socialiste (les autres ne souhaitant pas s’engager dans cette démarche). Pour réussir les primaires, il faut donc les lier à un processus de mutation complète – idéologique, sociologique et organisationnelle – de la gauche.

Celle-ci se refuse souvent à penser la société française dans la mondialisation et à penser les conséquences de la mondialisation sur la société française. La France périphérique et populaire est la première à souffrir de désindustrialisation et des effets de la globalisation financière or c’est elle, il faut le savoir, qui fait les élections. La mondialisation, le libre-échange, la question de l’économie financiarisée, l’avenir de l’euro, les rapports de forces entre le G2, la France et l’Europe, les rapports de forces entre pays européens sont les questions centrales et urgentes. Le reste en découle.

L'industrie, l'école, l'égalité au centre de la campagne ?

La coalition sociale majoritaire pour gagner reste donc à bâtir. Après avoir inventé que la « classe ouvrière » n’existait plus, certains esprits simples résument la question sociale aux banlieues et la question civique à la mise en place d’une diversité cosmétique comme si, pour qu’une société soit juste, il suffisait que ses élites soient ethniquement calquées sur l’ensemble de la société. Il faut donc envisager de s’adresser enfin aux 60% de la population française : ses ouvriers et employés, ses précaires, ses victimes de la désindustrialisation, ses salariés des services, tous largement absents des bancs du Palais Bourbon.

On ne leur parlera pas « greenwashing », on ne les séduira pas par la diversité, on ne les mobilisera pas pour la parité, il faudra leur parler de leur pays et de son avenir dans la mondialisation. La conscience de la crise mondiale est aigüe dans la société française. Si on ne parle pas de l’industrie, de l’Ecole et de l’égalité, si on ne parle pas aux mondes ouvriers, aux mondes ruraux et à l’ensemble des classes populaires, on peut être certain que le retour de boomerang sera très douloureux.

Derrière la diversité - objet de culte du néopaganisme cathodique - il y a l’incapacité à penser les souffrances de la société française. Ethniciser les désignations des candidats pour ethniciser la représentation nationale est un jeu dangereux qui fera le lit du différentialisme et des inégalités. On l’oublie trop souvent : les « quartiers populaires » c’est la totalité du pays moins les villes-centres de nos métropoles ! Il faut donc sortir de cette impasse analytique et s’adresser à l’ensemble de la société française.

Le combat qui s’engagera inévitablement après l’adoption souhaitable de ces primaires sera celui de l’édification d’un opérateur politique qui permette de changer de bloc dominant en France. Il faudra donc faire le lien entre analyse des rapports de forces internationaux et constitution d’un rapport de forces favorables à la gauche en France. L’un sans l’autre, c’est partir à l’assaut de la citadelle élyséenne armés de pistolets à bouchons !

Les deux auteurs sont co-auteurs de « Recherche le peuple désespérément » (Bourin Editeur, 2009)

http://www.marianne2.fr/Des-primaires-sans-peuple-de-gauche_a193585.html

mercredi 2 juin 2010

Deux jours, deux conférences en Saône-et-Loire


Première conférence ce soir 2 juin à Gueugnon à l'invitation du Cercle Jean Laville sur le thème du "bouclier rural" avec Fabien Bazin, conseiller général et maire de Lormes (Nièvre) et Philippe Baumel, 1er vice-président du Conseil Régional de Bourgogne

Puis demain soir 3 juin à Mervans à l'invitation des sections socialistes de la Bresse pour présenter, avec Gaël Brustier, notre livre "Recherche le peuple désespérément"