samedi 28 août 2010

De l’armistice à l’unité de la gauche ?

« La guerre des gauches n’aura pas lieu ». C’est le titre de la note publiée par la fondation Jean-Jaurès sous la signature de François Miquet-Marty, président de l’institut de sondage Viavoice. L’analyse ne manque pas d’intérêts. Loin des sondages de popularité qui disent l’air du temps sans dire grand-chose de notre temps, cette étude prend du champ ; elle met en perspective sur plus d’une dizaine d’années l’évolution des galaxies composant la gauche française et défend une thèse : « les univers internes à la gauche apparaissent désormais moins incompatibles qu’ils ne l’étaient. » Le sondeur observe ainsi une certaine conciliation idéologique entre les différentes familles de la gauche qu’il regroupe en cinq peuples : gauche interventionniste, gauche anti-libérale, gauche sociale-libérale, gauche morale anticonsumériste et gauche antisystème et écologiste. On pourrait discuter à loisir cette typologie, préciser les contours assez flous de cette gauche morale et anticonsumériste dont l’égérie serait Ségolène Royal, douter que Daniel Cohn-Bendit puisse être le leader de cette gauche antisystème et écologiste lui qui incarne, plus qu’un autre et depuis quarante ans, le système libérale…tel n’est pas le propos ici. Prenons comme un fait cet état de l’opinion de gauche et essayons de tracer des pistes pour que se rejoignent les aspirations du peuple de gauche et la volonté des partis d’accéder au pouvoir.

Des défaites qui forgent des conciliations

La première observation concerne les registres de conciliation des gauches pointés par l’auteur. Longtemps la gauche a marché sur deux jambes : réforme/révolution, ordre/mouvement, marxisme/républicanisme, socialisme/communisme… Il y a avait à gauche une nécessité toujours renouvelée de dépasser les antagonismes ; cette dialectique hégélienne était l’exercice de style de toute démarche visant à unifier électoralement la famille. Ce moteur dialectique semble bien s’être épuisé depuis les années 1980 et les deux Eglises de la gauche sont devenues des chapelles qui ont gagné en plasticité ce qu’elles ont perdu en fidélité des communiants et en force de frappe politique. Les galaxies se chevauchent, s’entremêlent, leurs contours idéologiques se brouillent et cette nouvelle pluralité un peu brouillonne de la gauche est certainement un des principaux facteurs de ses défaites. Quand les indignations, qu’elles concernent l’état de la société, la dénonciation de la société de consommation ou la nature des pouvoirs, se succèdent sans se coordonner, on a peut-être un rapprochement entre peuples de gauche mais on n’a ni stratégie ni tactique au sommet qui permette la victoire électorale.

Ce qui a rendu possible cette conciliation des gauches doit certainement être recherché dans les défaites électorales et idéologiques de la gauche. Les défaites aux élections présidentielles de 1995, 2002 et 2007 ne reflètent que l’impossibilité de chacune de ses galaxies à combattre seule la droitisation rampante de notre société. Passant de la dialectique à l’équilibrisme et renonçant à s’adresser à la France populaire, celle des ouvriers et des employés, il était bien difficile au candidat socialiste, à qui il échoit cette tâche, de rassembler toutes les gauches sur son nom ou son programme.

Le « Peuple de l’Egalité », le parti de toute la gauche

Face aux défaites et à ce rapprochement idéologique de la base, la question que doivent se poser les responsables politiques de gauche est très simple : comment cette conciliation idéologique peut-elle se pérenniser sans un univers commun à toutes ces galaxies ? C’est la question du rassemblement partisan des forces de gauche qui doit être ici posée. Si plus rien ne sépare fondamentalement ces peuples de gauche, pourquoi conserver les théâtres d’ombres que sont devenus nos partis respectifs ? Si l’on ne veut pas que les conciliations idéologiques ne soient que des étapes vers un inéluctable divorce entre le peuple de gauche et ses dirigeants, cette étude place les appareils politiques de gauche face à leurs responsabilités.

On ne peut que regretter l’actuelle absence de cadre, et même de projet de cadre, commun à toute la gauche qui serait le lieu où s’enregistreraient justement les conciliations qui se dégagent dans le peuple de gauche. Il y a une fenêtre de tir historique pour construire un grand parti de toute la gauche. On ne pourrait pas l’accuser d’être un « machin » venu d’en haut, il serait l’accomplissement d’un rapprochement idéologique survenu à la base. L’Histoire nous a montré que seuls les processus d’Union programmatique pouvaient permettre à la gauche française d’accéder dans la durée aux responsabilités nationales. Alors à quand les fondations d’un « Peuple de l’Egalité » rassemblant toutes les tendances de gauche ?

Enfin, s’il n’y a plus fondamentalement de guerre interne à la gauche, il faut s’en féliciter mais il ne faut néanmoins pas se désarmer. Plus que cela, nous devons nous réarmer face à la droite. Ce réarmement passe certainement par une clarification sur ce que l’on entend par la « société du care », la sécurisation des parcours professionnels et aussi sur la question retraite afin de sortir de la stratégie de l’équilibrisme. Depuis trop longtemps, certaines élites de gauche ont renforcé l’image d’une République émolliente et apaisée qui permettait toutes les confusions entre droite et gauche. Cette stratégie de l’accommodement, datons-la pour aller vite du tournant libéral de 1983, a été la base de l’ouverture sarkozyenne, symbole le plus visible de la victoire sur le terrain politique de la victoire de la droite dans la guerre pour l’hégémonie culturelle.

Jean-Philippe HUELIN

Publié sur le site Marianne2.fr :
http://www.marianne2.fr/Vers-l-unite-des-cinq-gauches_a196731.html

lundi 23 août 2010

Note pour le laboratoire des idées


UN BOUCLIER RURAL, POUR UNE ÉGALITÉ RÉELLE ENTRE LES TERRITOIRES

La question territoriale est certainement au cœur de toute reconquête politique durable pour le Parti Socialiste. C’est la mesure de notre capacité à percevoir la nouvelle France, façonnée depuis les années 80 par les mutations économiques profondes de la mondialisation néolibérale. Une France en manque de repères, mais pourtant créative. Une France qui semble hésiter entre le « vivre mieux ensemble » et l’impasse individualiste. C’est toute l’épaisseur territoriale et sociale de notre pays que le PS doit retrouver. Au moment où le Parti Socialiste affirme la vision d’une nouvelle société urbaine, il est indispensable qu’il s’empare également de la nécessité d’une ruralité moderne.

La France rurale représente près de 20% de la population. Plus âgée, plus pauvre, plus ouvrière, cette France périphérique et populaire mérite toute notre attention. Depuis quelques années et sans faire de bruit, l’exode rural est devenu exode urbain, la population rurale augmente même si tous ceux qui s’installent à la campagne ne le choisissent pas nécessairement.

Or l’Etat a choisi de l’oublier. Il y a fermé les écoles de village, les hôpitaux et les maternités de proximité, les bureaux de poste et d’autres services publics (énergie, téléphonie…). Le monde rural est désormais considéré comme une terre de relégation. La fracture sociale s’est doublée d’une fracture territoriale !

Le tableau est noir, on le connait, si tant est qu’on veuille le voir. Il est bon de le rappeler et en même temps, il faut porter un regard positif et mener une action politique pleine de dynamisme. Si on peut avoir le pessimisme de la raison, il faut, plus que tout, avoir l’optimisme de la volonté !

Qui sait que 10 millions de citadins ont un projet de vie à la campagne ? Comment ignorer que partout les élus et les acteurs locaux se battent pour permettre à chacun d’y travailler et d’y vivre mieux ? A maints égards, la ruralité a endossée une nouvelle forme de modernité : nouvelles technologies, environnement préservé, qualité des relations humaines, commerces de proximité… Chaque jour, on y invente des solutions à des questions très concrètes de la vie quotidienne. Tout cela rend possible une contribution de la ruralité à un nouveau modèle de vivre ensemble qui promeut « la ré-humanisation des villes et la revitalisation des campagnes », comme le propose Edgar Morin.

C’est pourquoi, nous voulons un bouclier rural, car nous vivons dans des territoires de résistance, qui ont subi les premiers et de plein fouet la politique de Nicolas Sarkozy. C’est aujourd’hui le moyen de rétablir le principe républicain d’égalité entre les citoyens où qu’ils habitent sur notre territoire national.

Un bouclier pour se protéger, pour retisser des liens entre les habitants des campagnes, mais aussi entre les villes et les campagnes.

Un bouclier pour faire France, car on ne peut accepter la brisure entre un archipel métropolitain aspiré par le turbo-capitalisme et un arrière-pays rural condamné à la marginalité sociale.

Un bouclier aussi pour relever la tête et montrer, par des résultats concrets, qu’un autre modèle de vie est possible et que cette alternative peut justement venir des campagnes. Nous militons pour une République respectueuse de tous ses territoires.

Pour que nos campagnes vivent, notre bouclier rural doit être un arsenal de mesures concrètes qui rétablissent l’égalité, tout en prenant en compte les spécificités de la vie à la campagne. Refusant les recettes cosmétiques, nous appelons donc à écrire une loi de la République qui s’impose à l’Etat et aux personnes morales en charge de politiques publiques. Nos propositions sont sur la table, elles ne demandent qu’à être précisées, amendées ou complétées.

1) Maintien ou rétablissement de services publics indispensables à la cohésion sociale et à la création de richesses

Il est primordial de garantir un temps d’accès minimum aux services de base :
  • Santé : accès à moins de 45 mn d’une maternité, de 20 mn d’un accueil de médecine générale, mesures de lutte contre le désert médical et régulation des installations de médecins sur le territoire.
  • Justice : accès à moins de 45 mn d’un tribunal d’instance, à moins d’1 h 30 d’un Tribunal de Grande Instance
  • Education : accès à moins de 15 mn d’une école élémentaire et primaire (30 mn par transport scolaire), à moins de 25 mn d’un collège (45 mn par transport scolaire)
  • Services du Trésor : accès à moins de 20 mn d’une trésorerie, de 45 mn d’un centre des impôts
  • Service postal : accès à moins de 15 mn d’un bureau de poste ouvert au moins 26 heures par semaine
  • Missions d’accompagnement d’accès à l’emploi et à la formation (initiale et professionnelle) : accès à moins de 30 mn d’un lieu d’accueil et d’information.
Par ailleurs, et face aux dégradations qui s’accélèrent depuis dix ans, il est primordiale de maintenir une qualité de distribution de l’électricité équivalente à celle des villes. De même, et pour préparer l’avenir, il faut que tout habitant, toute entreprise ou collectivité ait accès au très haut débit. Nous devons nous engager dans un véritable programme qui amène, partout et pour tous, la fibre optique.

Tout cela implique notamment de partir des besoins des habitants et non d’obligations d’économies purement comptables. Cela impose la suppression de la règle de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans nos territoires.

2) Création de zones de développement économique rural

Nous savons bien que pour assurer le développement économique des zones rurales, il faut à la fois créer des richesses, c’est-à-dire maintenir les activités productives, les renouveler et les moderniser, capter des richesses pour maintenir l’attractivité résidentielle et touristique qui est importante dans le monde rural et faire circuler ces richesses à travers les commerces, les services, les associations etc.

Ces trois volets sont en totale interdépendance. Agir sur l’une sans penser aux autres n’est pas optimum, voire contre-productif. Nous proposons donc la création de zones de développement économique rural.
  • Cela permettra pour les entreprises déjà installées dans les territoires ruraux les plus isolés de bénéficier de conditions sociales et fiscales adaptées. Il faut en effet tenir compte de l’isolement géographique et de la saisonnalité du chiffre d’affaires : la fiscalité nationale et locale comme les cotisations sociales doivent être compatibles avec ces activités qui très souvent s’apparentent à une mission de service public. Si nous savons accompagner ceux qui veulent s’installer, il est nécessaire de soutenir aussi ceux qui sont là et qui résistent pour faire vivre nos villages.
  • Elles prendront en compte la situation particulière des artisans et des commerçants en définissant un statut réellement protecteur pour ceux qui ont fait le choix d’entreprendre dans ces territoires.
  • Ces zones permettront aussi d’adapter le rythme des mises aux normes dans des établissements à taille humaine (par exemple l’hôtellerie ou les stations services) qui sont menacées par des fermetures massives.
  • Elles doivent être accompagnées de nouveaux outils bancaires, publics ou privés, qui tiennent compte de la spécificité de l’activité dans les zones rurales et de règles qui imposent aux établissements bancaires de réinvestir dans ces zones une partie des sommes qu’ils y prélèvent.
  • Elles réserveront certains marchés publics aux PME et aux TPE, au moins au titre de la sous-traitance.
  • Elles permettront la création de pôles de compétitivité ruraux et apporteront des soutiens spécifiques à l’économie agricole.
  • Elles permettront de bonifier les dotations de fonctionnement de l’Etat qui, à l’heure actuelle, sont deux fois moins importantes dans les zones rurales que dans les zones urbaines.

3) Soutien au bénévolat et aux associations qui rendent des services d’intérêt général

L’aide à l’action bénévole, comme les sapeurs pompiers volontaires, dont le statut précaire peut mettre en danger à terme les premiers secours, mais aussi les centres sociaux, dont l’existence et les services aux familles sont parfois mise en péril par la remise en cause silencieuse des dispositifs d’aides publiques, constituent quelques exemples de soutiens durables indispensables à la cohésion sociale de nos territoires. Le soutien durable aux lieux d’échanges et de débats, comme les comités de territoires ou les associations de développement est indispensable, car nous avons expérimenté ce qui doit être un élément fondamental de la citoyenneté de demain.

4) Invention d’une « nouvelle école »

Le bouclier rural est aussi une contribution pour repenser notre système scolaire. Nous proposons de généraliser les « ZEP rurales » c'est-à-dire les « aires rurales d'éducation concertée » (AREC), véritables bassins éducatifs pour une éducation et une formation tout au long de la vie et outils pour « penser global » l’offre éducative. Nous demandons d’abord des classes à taille humaine (25 élèves maximum), des temps de transports scolaires compatibles avec le rythme de vie des enfants et l'encouragement à la scolarisation dès deux ans parce que la très petite section de maternelle est le premier lieu de socialisation. De même, nous suggérons de généraliser « des maisons des petits à l’école » pour réussir enfin le passage de la famille à l’école ainsi que la mise en œuvre de « groupes de soutien au soutien » pour les enseignants.

5) Prise en compte de notre légitimité territoriale dans la réforme des collectivités territoriales

Le développement des intercommunalités rurales a renforcé le tissu rural. Tout aussi indispensable sont les parcs naturels régionaux et les pays, parce qu’ils sont fondés sur la délibération collective et le contrat qui permettent d’inventer une ruralité moderne. Alors que nous représentons 80 % du territoire, et que la réforme des collectivités territoriales prévoit de diviser par quatre le nombre de nos élus locaux, le bouclier rural doit prévoir la représentation de nos territoires en fonction de la population, certes, mais aussi de la superficie de nos territoires qui demandent d’être considérés comme des espaces à part entière, spécifiques et légitimes.

Conclusion

Les agriculteurs l’ont dit récemment avec beaucoup de force, car la brutalité des variations de prix qu’ils subissent et les baisses de revenu qu’elles impliquent seraient inacceptables pour tout autre secteur d’activité : l’indifférence et le mépris ne sont plus supportables.

Le monde rural demande à être respecté et entendu. Nous, socialistes, devons relever ce défi du développement de nos territoires, nous en sommes capables. Il y a dans nos campagnes des forces extraordinaires qui ne demandent qu’à s’exprimer. Tous nos concitoyens veulent vivre avec des services publics de qualité pour pouvoir créer des richesses. Cela passe certainement par un nouveau pacte entre la République et le monde rural. C’est ce que pourrait incarner le bouclier rural.

Retrouvez la totalité du dossier sur le bouclier rural sur le site : « Vers un bouclier rural »

Sur le site du Parti Socialiste : http://www.parti-socialiste.fr/articles/un-bouclier-rural-pour-l-egalite-entre-les-territoires

jeudi 12 août 2010

Entre EDF et le monde rural, il y a de l’électricité dans l’air…

La qualité de la distribution de l’électricité se détériore gravement en France depuis 10 ans. Les coupures sont de plus en plus longues, surtout dans les territoires ruraux, car la maintenance du réseau n’est plus une priorité. Sont en cause EDF bien sûr mais aussi l’Etat…

Avec son plan de relance, le gouvernement fait miroiter le très haut débit au monde rural. Celui-ci connaît certes l’adage (« les promesses n’engagent que ceux qui y croient »), mais surtout, il ne peut que constater la dégradation de la qualité du réseau électrique existant. C’est comme si on vous promettait d’entrer dans le XXIème siècle en vous privant des technologies du XIXème ! Faudrait-il envisager l’acquisition d’une dynamo de bicyclette pour faire tourner nos ordinateurs ? C’est un peu cela, l’attitude du gouvernement par rapport aux campagnes !

Reprenons dans le détail. Un rapport d’étape sur la qualité de la distribution d’électricité a été rendu public au mois de mars dernier. Sans faire trop de bruit, ce rapport lâche pourtant un certain nombre de bombes qui pourraient révolter la France rurale. Que disent ses auteurs, tous deux vice-présidents de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) ? « Les performances des réseaux se sont très sensiblement dégradées ». « Le temps moyen annuel de coupure des réseaux est actuellement de 1h30 pour le consommateur » avec de fortes variations selon les départements puisqu’il était « en 2008 de 35h31mn en Lozère pour seulement 20mn à Paris » ! Pour tous, ce « temps a augmenté de moitié ces dix dernières années. » Nous ne sommes donc pas surpris de retrouver nos deux départements ruraux, la Nièvre et le Jura, parmi les départements où les coupures sont les plus longues…

EDF et l’Etat pointés du doigt

Mais les auteurs ne font pas seulement la liste des dégradations, ils en pointent aussi sans détour les causes : cette « dégradation réside dans l’insuffisance des investissements d’ERDF » (filiale à 100% d’EDF) qui se détourne de sa mission de distribution depuis « l’ouverture à la concurrence de la fourniture d’électricité » qui a occasionné une « réduction excessive à la fois de la maintenance préventive et des investissements de modernisation du réseau ». En clair, EDF préfère investir ses fonds propres pour faire des acquisitions à l’étranger plutôt que dans les campagnes françaises ! Mais alors pourquoi conserver le « F » d’EDF ?

Enfin, les auteurs ne manquent pas de pointer également les errances de l’Etat qui préfère accompagner la stratégie financière d’EDF, dont il reste le principal actionnaire, plutôt que de défendre l’intérêt de nos communes. Il est vrai que les dirigeants de notre pays fréquentent plus Henri Proglio, le patron d’EDF, que les élus ruraux… L’Etat ne fait donc rien pour rappeler EDF à sa mission. Déjà le décret du 24 décembre 2007 fixait un niveau d’exigence minimale plus bas que les performances constatées cette même année. Si ce n’est pas de l’incitation à la régression, cela y ressemble… Mais mieux encore, tout récemment, les critères retenus par l’arrêté qualité, modifié le 25 février 2010, restent moins sévères que les dispositions contractuelles des cahiers des charges de concession ! Car même si EDF semble faire la loi en matière de distribution d’électricité, il ne faut jamais oublier que les lignes électriques appartiennent aux communes qui souvent en transfert la compétence à des syndicats intercommunaux. EDF n’est donc que le concessionnaire et doit l’entretien des réseaux concédés !

Maintenir l’égalité réelle entre les territoires

Il convient de rappeler aussi les valeurs qui ont présidé en 1946 à la mise en place du système électrique français : universalité de la desserte, péréquation tarifaire et égalité de traitement de tous les citoyens en matière de qualité de l’énergie distribuée. Ces principes ne sont peut-être plus très en cour chez nos élites politiques et financières mais nous, nous y tenons ! Et nous n’accepterons pas que ces principes républicains soient bafoués ! A cet égard, il est inacceptable, comme le prévoit ce fameux arrêté de février 2010, que soit mis en place un zonage du territoire en trois secteurs A, B et C où la qualité de la distribution varierait de manière décroissante. Par exemple dans la Nièvre, sur 312 communes, il y en aurait 12 en catégorie B et le reste en catégorie C… aucune en catégorie A ! C’est proprement scandaleux dans la mesure où cela remet en cause le principe d’égalité face au service public.

Derrière ces décisions qui peuvent à première vue paraître subalternes au regard d’autres inégalités criantes en matière de service public entre les villes et les campagnes, il y a un enjeu considérable pour le développement du monde rural. Qui voudrait devenir un consommateur de seconde zone ? Quel couple voudrait s’installer à la campagne et profiter du même niveau d’équipement qu’à la ville alors qu’on lui « promet » plus de 30h de coupure d’électricité chaque année (sans compter les coupures liés aux accidents et cela peut arriver avec des vents de…70 km/h seulement tant les lignes ne sont plus entretenues !) ? Quelles entreprises iront investir dans des secteurs où on ne peut pas leur garantir une certaine continuité du courant électrique ? Faudrait-il que les collectivités leur paye des groupes électrogènes, comme en disposent les missions humanitaires de secours dans les pays pauvres ?

Nous en appelons donc au gouvernement et en tout premier lieu à Michel Mercier, ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, afin qu’il rappelle EDF à son devoir et au respect de ses engagements. Pour notre part, nous continuons notre combat pour un bouclier rural, afin de donner plus à ceux qui reçoivent de moins en moins et afin surtout de garantir une égalité réelle entre l’ensemble des citoyens français, quel que soit le territoire où ils vivent. Les dégradations alarmantes en matière de distribution de l’électricité que nous venons de rappeler le démontre, rien n’est définitivement acquis et nous devrons nous battre pour inverser cette pente mortifère qui voit les espaces urbains « larguer » les campagnes. Ce serait la fin de notre République.

Fabien BAZIN, conseiller général et maire de Lormes dans la Nièvre
Jean-Philippe HUELIN, militant socialiste dans le Jura
sont tous deux les promoteurs du « bouclier rural »
et Guy HOURCABIE, conseiller général de la Nièvre et vice-président délégué de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR)

Publié sur le site Marianne2.fr : http://www.marianne2.fr/Entre-EDF-et-le-monde-rural-il-y-a-de-l-electricite-dans-l-air_a196223.html

lundi 2 août 2010

Elections partielles: le PS doit se réinventer

L'Ifop et La lettre de l'opinion viennent de publier une note sur les résultats des vingt élections partielles depuis les dernières régionales. Si la droite perd du terrain, le PS laisse aux autres formations comme Europe éco, le Front de gauche ou le FN, le soin d'en tirer profit. Décryptage.

Comme s'ils anticipaient leur déroute, l'UMP et le PS ont veillé à relativiser, à raison, l'importance des élections partielles. Début juillet, Xavier Bertrand s'indignait :« Je ne vois pas pourquoi à chaque fois qu'il y a une élection partielle, ça devrait être un test pour nous ». De son côté, Martine Aubry affirmait que les résultats ne seraient pas « un thermomètre de la situation ». En voilà deux qui ont eu du flair. La note publiée par l'Ifop et la Lettre de l'opinion le 20 juillet révèle effectivement une absence de regain d'attractivité pour les deux principaux partis.

Le taux d'abstention énorme constitue une première explication. Avec 33,7% de votants pour les treize cantonales et 28,35% pour les deux législatives, il serait hasardeux d'en tirer de grandes conclusions sur la suite des événements. « Il ne faut pas chercher à lire une présidentielle à travers des cantonales. Il ne s'agit que d'une toute petite indication de l'évolution sociologique sur un certain nombre de territoires, souligne Gaël Brustier, auteur avec Jean-Philippe Huelin de "Recherche le peuple désespérément". Ceux qui vont voter aux élections partielles sont les plus riches, les plus éduqués. »

Deux phénomènes ressortent de ce constat :

1) La percée d'Europe Ecologie qui attire un électorat relativement aisé, concentré dans les villes- centres ; et affaiblit de fait le PS. Ainsi Anny Poursinoff, la candidate écolo des Yvelines, a-t-elle réalisé un score remarquable aux législatives de juillet 2010 avec 42,6 % des voix contre 3,8 % en 2007. Or de plus en plus de jeunes cadres se concentrent dans ce département. « Ces bac+5 au portefeuille bien garni sont autant d'électeurs qui hésitent entre la gauche et un parti libéral-libertaire, observe Gaël Brustier. On peut se demander si le vote écolo n'est pas un sas de sortie de l'électorat de gauche vers une certaine droite. Il ne faut pas schématiser Europe Eco comme un parti de gauche. » Les victoires écolos ont quand même le mérite de signifier au PS que son ancrage dans les villes n'est plus assuré.
Les scores réalisés par le Front de gauche reflètent malgré tout un regain d'intérêt pour la gauche, dans la droite ligne des élections régionales. Selon Brustier, la coalition « a bénéficié du maillage local du Parti communiste » puisqu'elle améliore sensiblement ses positions par rapport à 2007 et « prouve sa capacité de rassemblement à gauche de la gauche », comme le souligne la Lettre de l'opinion.

2) Malgré les faibles scores réalisés par l'UMP, difficile de les interpréter comme un désaveu de la politique menée par le chef de l'Etat. « L'électorat sarkozyste de 2007 qui a voté pour le volontarisme, l'ordre républicain, est largement absent de ces élections partielles », constate Gaël Brustier. Puisqu'ils n'ont pas voté, impossible de dire si ces ouvriers des zones péri-urbaines ré-accorderaient leur confiance aujourd'hui au président.
En revanche, reliée aux scores du FN, l'abstention populaire autorise cette affirmation : le FN se porte bien. En progrès lors des législatives des Yvelines et en baisse de 3,15 points entre les cantonales de 2004 et celles de 2010, le parti d'extrême-droite n'a pu compter sur son électorat traditionnel. De plus, comme le précise l'auteur de Recherche le peuple désespérément, « un parti qui n'a pas de cadre, pas de fédération locale ne peut pas percer ».

Ces vingt scrutins partiels placent « la gauche en situation de force, même si le Parti socialiste est maintenant concurrencé assez nettement pas deux autres formations politiques, Europe Ecologie et Front de gauche », conclut la note. Mais pour Gaël Brustier, « on assiste à une vague de droitisation en l'Europe ». La droite se révèle certes affaiblie, mais pour tirer son épingle du jeu au delà de 2012, le PS doit partir à l'assaut des zones péri-urbaines, renouer avec ces classes populaires de l'est de la France qui ne se reconnaissent plus dans l'angélisme prôné par le parti. Et contrairement à l'idée reçue, la victoire d'Europe Ecologie ne laisse rien présager de bon pour la gauche. Elle apparaît comme un point de passage libéral-libertaire vers la droite. Stopper l'hémorragie électorale à gauche nécessite une prise de conscience. Aura-t-elle lieu à temps ?

Laureline Dupont - Marianne | Vendredi 30 Juillet 2010
http://www.marianne2.fr/Elections-partielles-le-PS-doit-se-reinventer_a195798.html?preaction=nl&id=5907737&idnl=26032&