mardi 30 juin 2009

Une gauche à la Pyrrhus

Un an et demi après, le constat est tristement encore d'actualité...


Pourquoi le PS s’est-il coupé des couches populaires ?

La gauche peut gagner les municipales mais elle peut être vaincue par ses propres conquêtes, comme en 2004. Trois mois avant les élections municipales, le Parti socialiste ne semble faire preuve d’aucune lucidité quant aux causes de son échec du printemps dernier. Incapable de sortir des petits conflits de personnes, il est en train de rater son renouvellement idéologique. Incapable de répondre à la question essentielle de la mondialisation, il s’abaisse à laisser deux des siens - Pascal Lamy et DSK - diriger l’OMC et le FMI, dont le rôle est précisément de renforcer le processus de dérégulation planétaire. Incapable, en France, de faire une critique efficace de la politique sarkozyenne, il se contente d’en critiquer le « style » ou la « méthode ». Pourtant le PS « gagnera » les municipales. Sans grand suspense gagnera-t-il à Paris et Lyon, sans doute conquerra-t-il des villes comme Strasbourg ou Bordeaux… Mais, loin de ce cosmétique « socialisme municipal », il nous faut regarder de près l’incompréhension que le PS manifeste à l’égard de la nouvelle sociologie électorale française, qui le condamne, en fait et malgré les apparences, à une très longue cure d’opposition…

La France est, comme l’ont brillamment souligné les géographes Christophe Guilluy et Christophe Noyé dans leur Atlas des nouvelles fractures sociales, victime d’une forme de ségrégation spatiale et sociale d’ampleur. A contrario des villes-centres « prescripteurs », les périphéries urbaines et les zones rurales accueillent, pour leur part, un nombre croissant d’ouvriers et d’employés. Pour mémoire, peut-on rappeler qu’il y a en France environ 60 % d’ouvriers et d’employés, curieusement absents du discours des élites du PS… Béatement, certains socialistes se sont mis à admirer les scores réalisés par leur parti dans les arrondissements du centre de Paris ou dans certains quartiers en voie de « gentrification ». Seulement, les socialistes ont oublié que, dans le même temps, ils sont en perdition dans de larges secteurs de notre pays.

Dans le nouveau contexte sociologique français, le rapport à la mondialisation est déterminant. 51 % des Français qui sont pour « imposer les entreprises qui délocalisent » et 49 % de ceux qui voyaient la mondialisation comme un « danger » ont voté… Nicolas Sarkozy ! Si Ségolène Royal a fait mieux que Jospin (1995 et 2002) chez les ouvriers (25 % le 22 avril), le PS reste à la traîne par rapport à la droite, qui rassemble plus de 60 % d’entre eux. On peut multiplier les exemples de la crise sociologique qui frappe l’électorat de gauche et du faux virage à droite de la société française. En effet, les ouvriers et les employés ne sont pas devenus de droite. Avec un taux global record de refus de l’économie de marché (50 %), on ne peut pas dire que nos concitoyens cèdent au néolibéralisme ! Ce n’est pas être de droite que de s’inquiéter de la mondialisation !

Le PS mise actuellement sur une alliance des villes-centres et de ses proches banlieues, alliance sociologique durablement minoritaire (le 29 mai 2005 comme le 6 mai 2007), alors qu’il lui faut penser l’alliance des banlieues et des zones périurbaines, c’est-à-dire reconquérir les classes populaires et constituer ce qui fait le succès d’une authentique stratégie socialiste : un front de classe ! Ouvriers, employés des banlieues et des zones périurbaines ou rurales, mais aussi artisans ou professions intermédiaires doivent faire l’objet d’une attention et d’un dialogue renouvelés. Eux qui ont soutenu le discours volontariste de Sarkozy ne seront convaincus par le PS que s’il adopte un projet républicain et socialiste tournant le dos aux serpents de mer néolibéraux. Pour ce faire, la gauche doit définir un nouveau rapport à la mondialisation, se déterminer sur le protectionnisme européen, sur le déséquilibre capital-travail, sur les services publics, sur l’école… Alors que certains claironnent que le PS doit succomber aux délices d’une social-démocratie battue dans le monde entier, les préférences des classes populaires sont à l’opposé de celles des hiérarques solférinesques…

Collectivement, nous devons désormais procéder au renouvellement idéologique et programmatique de notre camp pour établir, le plus tôt possible, l’hégémonie culturelle nécessaire aux victoires électorales à venir. À défaut, le risque, pour le PS, c’est, pour prendre une allégorie astrophysique, de se rétracter sur les centres-villes et de devenir une « naine blanche ». Refusant de s’adresser aux marges, c’est lui qui, finalement, sera électoralement marginalisé.

Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin

L'Humanité, 1er décembre 2007
http://www.humanite.fr/2007-12-01_Tribune-libre_Une-gauche-a-la-Pyrrhus

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