mercredi 14 mai 2014

La Marseillaise est un chant de guerre…et de liberté. Réponse à Lambert Wilson

Statue de Rouget de Lisle à Lons-le-Saunier 


Le soleil cannois aurait-il déjà frappé ? Le maitre de cérémonie du festival de Cannes aurait été mieux inspiré en restant dans le registre du cinéma tant celui de l’histoire lui semble étranger. Ne l’accablons pourtant pas, il n’est pas le premier, et malheureusement pas le dernier, à ânonner ces sempiternelles bêtises sur la Marseillaise. 

Non, Monsieur Wilson, les paroles de la Marseillaise ne sont pas « épouvantables, sanguinaires, d'un autre temps, racistes et xénophobes » ! Non, ces paroles ne sont pas « d'un autre temps » ! La langue de Rabelais est-elle de notre temps ? La Marseillaise comme tout texte littéraire exige seulement un effort de recontextualisation de son écriture. Cet exercice ne devrait pas être impossible au grand lecteur qu’est Lambert Wilson ! 

Précisons-le donc une fois de plus, le « sang impur » de la Marseillaise n’est pas celui d’infâmes étrangers qui devraient rendre gorge d’avoir défié la Révolution française. Il est au contraire celui des jeunes citoyens français de l'an II qui peuvent enfin défendre leur patrie et mourir pour elle en versant leur « sang impur » comme disaient les nobles qui eux l'avaient « bleu ». Le peuple peut défendre sa nation, voilà tout ! Les révolutionnaires se sacrifient pour répandre la liberté en Europe contre les rois et les tyrans. La Marseillaise fut l’hymne de tous les opprimés du XXe siècle, de tous les peuples qui luttèrent pour leur liberté. Nulle xénophobie donc dans ce texte ! D’ailleurs un peu plus loin, Rouget de Lisle écrit : 

« Français, en guerriers magnanimes 
Portons ou retenons nos coups ! 
Épargnons ces tristes victimes, 
A regret, s'armant contre nous ! » 

Pour autant, le cri de Lambert Wilson contre notre hymne national semble dire autre chose. Il fait chorus avec toute une pensée médiatique et officielle, de la droite libérale à la gauche boboïsée, qui chantent les vertus de la diversité quand se pose la question de l’appartenance à une nation. En effet, il est d’autant plus difficile de s’intégrer à une nation pour des immigrés que les élites nationales daubent en permanence l’idée de nation. Or il clair que pour appartenir il faut chercher du commun, du lien. Contre l’atomisation du tout-individuel, la nation doit être un refuge où peut s’épanouir ce qui nous rassemble ; si ce n’est pas l’histoire, ce peut être des principes, des valeurs, des moments, des commémorations, des symboles, des chants… 

De la Marseillaise, on peut toujours en lire les paroles ou la chanter seul mais sa force est dans le chœur et les cœurs qui se réunissent pour la chanter ensemble, ou l’écouter « religieusement ». Chant de guerre, elle est un cri de défense d’un « nous » contre un « eux ». Il est primordial de le rappeler. Sans l’armée de l’an II, pas d’application des droits de l’homme et du citoyen. Le Code n’est rien sans le Glaive. La Marseillaise est l’expression populaire de cet élan civique qui promeut la nation comme acteur de l’Histoire. A cet égard, on comprend mieux que, dans une France que d’aucuns veulent apaisée et presque endormie, les paroles de ce chant guerrier puissent écorcher des oreilles devenues trop sensibles. 

Que certains, par provocation, entrainement ou aveuglement, la sifflent parfois lors de certaines rencontres footballistiques n’est qu’un des signes de sa vitalité. Que des élus ou des artistes méconnaissent à ce point les mots et l’histoire est plus gênant car l’amour de la patrie n’est jamais que l’accomplissement d’un parcours de connaissances et d’émotions pour chaque individu à qui l’on apprend à s’élever au rang de citoyen. Je pense que la Marseillaise participe toujours pleinement de cette ambition, tout du moins le devrait-elle.

Tribune reprise sur le site du Figaro

3 commentaires:

  1. Tiens donc... et Jean Jaurès lui même aurait mal lu le texte, lui qui disait en 1903:

    "Mais ce n'est pas seulement sur la forme que porte la controverse ; c'est sur les idées. Or, je dis que La Marseillaise, la grande Marseillaise de 1792, est toute pleine des idées qu'on dénonce le plus violemment dans L'Internationale. Que signifie, je vous prie, le fameux refrain du « sang impur »? — « Qu'un sang impur abreuve nos sillons ! », l'expression est atroce. C'est l'écho d'une parole bien étourdiment cruelle de Barnave. On sait qu'à propos de quelques aristocrates massacrés par le peuple, il s'écria : « Après tout, le sang qui coule est-il donc si pur? » Propos abominable, car dès que les partis commencent à dire que le sang est impur qui coule dans les veines de leurs adversaires, ils se mettent à le répandre à flots et les révolutions deviennent des boucheries. Mais de quel droit la Révolution flétrissait-elle de ce mot avilissant et barbare tous les peuples, tous les hommes qui combattaient contre elle ?" ( Jean Jaurès, La Petite République socialiste, 30 août 1903).

    Qaunt au professeur Jacquard qui écrivait :

    "Vraiment, ne faut-il pas avoir abandonné tout bon sens, toute raison, tout contact avec la réalité, pour appeler aujourd'hui les petit Français à abreuver les sillons de leurs campagnes du sang impur de ceux qui viennent égorger leurs compagnes (sans compter la mauvaise leçon de versification apportées par ces rimes trop riches)? La réponse à ces critiques est, bien sûr, que les paroles des chants patriotiques sont dites sans que personne n'ait plus conscience de leur signification. Certes; mais est-il de bonne pédagogie de faire comprendre à des jeunes que les mots ne sont que des sons, que des phrases entières peuvent être dites sans que l'intelligence y prenne la moindre part ?".

    Jacquard était-il un imbécile lui aussi?

    La Marseillaise n'est pas un hymne raciste selon certains... Il suffit pourtant de regarder sur l'échiquier médiatico-politique qui s'y réfère en permanence pour admettre qu'il y a forcément une connotation raciste quelque part....

    RépondreSupprimer
  2. Jean Jaurès et Albert Jacquard n'ayant jamais été pape, ils ne sont pas infaillibles. Cela arrive même aux plus grands et c'est finalement assez rassurant !

    RépondreSupprimer
  3. Vous êtes professeur
    citez-moi une seule interprétation du "sang impur = sang des patriotes" avant le début des années 2000.
    Vous vous moquez du politiquement correct, mais cette interprétation est une création typique du politiquement correct de notre époque.
    et rouget de Lisle se foutait bien des soldats de l'an II- l'an II de la république , c'est à partir de septembre 1793 si je ne me trompe...et la Marseillaise fut écrite par un monarchiste constitutionnel qui refusa de prêter serment à la république...

    RépondreSupprimer